On l’avait rencontrée l’année dernière, entourée de livres (voir interview ici)… Ne restait plus à Alice Pfeiffer qu’à écrire le sien et à concrétiser son propos à la fois limpide et lapidaire sur la mode et les femmes. Sorti hier chez Stock, Je ne suis PAS Parisienne parvient à déboulonner le mythe sacro-saint tout de noir et blanc vêtu tout en ouvrant la voie à des alternatives encore bourgeonnantes décrites en colorama. A lire le crayon à la main… ou dans les cheveux, à la terrasse d’un café, la frange dans les yeux… (lol).
Bye la Parisienne…
Vous l’aurez compris, Alice Pfeiffer n’y va pas de main morte pour étriller l’indécrottable mythe de la Parisienne, cette créature perpétuellement fantasmée dans le monde entier, mais rarement croisée au coin d’une rue bondée. Elle décortique les clichés mode et sociologiques qui y sont associés l’un après l’autre, avec un détour très apprécié par l’Homme (le Parisien EST un foulard, point barre). On salue le recul qu’elle parvient à prendre sur le petit milieu mode et parisien dans lequel elle évolue… Sans en être pour autant, puisqu’elle explique que c’est son retour en France après 10 ans passés à étudier en Angleterre qui a agi comme un électrochoc et a démarré la réflexion à l’origine du livre.
….et bonjour les Autres
Cagole, ronde, noire, arabe, cougar, juive, lesbienne, la deuxième partie de l’essai donne vie à une multiplicité d’identités parisiennes ET françaises qui se posent en alternative à la sacro-sainte institution de la frange-café-clope-mincitude absolue. Alice décrypte comment ces figures féminines ont d’abord agi en repoussoir dans une construction du mythe de la Parisienne, pour maintenant reprendre une place de premier plan à l’ère des réseaux sociaux et de l’inclusivité revendiquée. On regrette juste une conclusion un peu hâtive (ou peut-être censurée?) sur le futur d’une mode parisienne qui laisserait une plus grande place à des propositions métissées et réalistes durables, sans pour autant en faire des outils marketing dénués de sens… Le travail de Simon Porte Jacquemus ou l’éclosion de la marque de Rihanna, Fenty, sont sûrement des pistes à creuser pour le tome 2 ? S’il est aussi instructif, drôle et polémique que le 1, on passe déjà commande !
A tout poste de responsabilité, la minceur est essentielle, comme une preuve de la sophistication de leur vie personnelle et intime, d’un régime surveillé à la lettre, d’un corps régulé et maîtrisé. Mais ce corps fin est aussi l’extension d’un territoire masculin et d’une surveillance. La minceur devient la preuve du succès d’une culture viriliste, et la promesse de ne jamais peser plus qu’un homme, dans tous les sens du terme.
Morceaux choisis
« Quand la Parisienne s’habille, elle veut montrer qu’elle sait. Un lien entre intellect et mode qui s’avère plus complexe qu’il n’y paraît et qui va s’avérer essentiel pour construire le mythe de la Parisienne. » (p.33)
« Cette démonstration de supériorité passe aussi par la connaissance de codes sous-jacents, et atteint son apogée avec l’usage de la langue et des manières. Un pied dans le plat après l’autre, j’apprends qu’un « par contre » peut signer votre exclusion du cercle des Parisiennes. Saucer son plat, mettre des glaçons dans son vin est quasi passible de prison. ( …). « Je me suis grillée en disant « bon appétit » » me confie une jeune juriste (…). » (p.43)
« (…) à tout poste de responsabilité, la minceur est essentielle, comme une preuve de la sophistication de leur vie personnelle et intime, d’un régime surveillé à la lettre, d’un corps régulé et maîtrisé. Mais ce corps fin est aussi l’extension d’un territoire masculin et d’une surveillance. La minceur devient la preuve du succès d’une culture viriliste, et la promesse de ne jamais peser plus qu’un homme, dans tous les sens du terme. » (p.77)
« Cette mode performative trouble et révèle l’artificialité des rôles, même celui de la Parisienne, « fille de » au statut immuable. La cagole ne feint pas d’être authentique, elle clinque, elle brille, elle transforme le vêtement en échappatoire. » (p.68)
« Le luxe français devient le garant d’une mode comparable à un safari géant, avec un point de vue patriarcal, jeuniste, blanc. » (p.111)
« Quant à l’avenir de la Parisienne, ses relèves démultipliées et conscientes grondent. De toute évidence, celle qui habite Paris aujourd’hui n’est plus la petite robe noire taille 36 des magasins d’aéroport. Elle propose une diversité autrement intéressante, par la multiplicité de ses formes, ses couleurs, ses attitudes et sa provocation. » (p.210)
Pour le commander, c’est par ici !