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Nouvelle érotique de Fabien Muller – Identification inconnue, chapitre 3

Chaque année, Le Prescripteur vous donne rendez-vous pour une lecture coquine à dévorer sous le parasol, sous vos draps ou à l’abri d’un arbre. Cette année, Fabien Muller revient avec une nouvelle érotique… de science fiction !! 5 chapitres en tout révélés un par un chaque samedi du mois d’août. Découvrez aujourd’hui le chapitre 3...

Pour celles qui auraient loupé les précédents chapitre :

Chapitre 3

Illustration @hilairebaud

Il regarda de nouveau le visage de l’enfant.

C’était doublement impossible.

Il avait devant lui un enfant blessé, à l’instar de l’androïde qu’il venait de croiser. Une ancienne entaille sur le haut du front lui faisait une cicatrice rougeâtre. Elle avait été manifestement mal soignée et donnait une impression plus que désagréable à Luc. La maladie et les défauts avaient été bannis de ce monde, il n’avait donc qu’une connaissance théorique de ce que pouvait être une lésion ou un problème physique grave. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de regarder cet enfant car, et c’était le plus troublant, il le connaissait : il avait devant lui la copie conforme d’Anthony, le fils des voisins.

En fait, ce n’était pas une copie conforme car celui-ci semblait plus âgé. Quelques années à peine, mais suffisamment pour que les traits du visage soient davantage affirmés et que celui-ci donne une impression plus nette de maturité.

Tandis que Luc réfléchissait à toute allure, perplexe, il relâcha son emprise et l’enfant se dégagea avec une vivacité étonnante.

Luc n’essaya pas de l’arrêter et le regarda s’éloigner en courant. Le choc de ces quelques dernières secondes l’avait plongé dans un état semi-léthargique et son corps oscillait tandis qu’il tentait de faire le point.

Tout à coup, il se rendit compte qu’il n’avait pas du tout pensé à enregistrer quoi que ce soit de ce qui venait de se passer depuis plusieurs minutes. Il ne pourra donc absolument pas prouver tout ce qu’il avait vu. Et puis à qui pourrait-il en parler ?

Luc était seul avec ses souvenirs et avec une question qui le taraudait désormais : qu’est-ce que tout cela signifiait ?

*

Etrangement, Luc n’eut aucun mal à retrouver le chemin inverse. Les rues, les regards des autochtones encore présents à cette heure tardive, le secteur tout entier semblait l’expulser, comme s’il était un aliment indigeste que les quartiers bas vomissaient.

Il ne saurait dire combien de temps il lui fallut pour rentrer chez lui, tant il était comme en transe, ressassant encore et encore toutes les interrogations que les dernières heures avaient provoquées en lui.

Arrivé à son appartement, il entreprit de se rendre dans la pièce aveugle. Il y avait stocké un élément essentiel où il paraissait clair qu’il avait le devoir de consigner tout ce qu’il voyait, toutes les questions qui se télescopaient en lui, sans s’inquiéter de savoir qui pouvait tomber dessus. Cet élément essentiel était un carnet noir en cuir, trouvé il y a quelques temps chez un antiquaire. Il s’était même procuré un stylo à bille encore opérationnel dans la même boutique. Il lui semblait maintenant que ces deux objets acquis sur un coup de tête étaient vitaux dans l’optique de poursuivre sa quête.

Bizarrement, il se disait que tout ce qui se déroulait cette nuit-là avait été écrit, que quelqu’un l’avait prémédité et qu’il ne faisait que suivre le scénario.

Un script. Il suivait le script. Tout avait concouru à ce qu’il soit ici, en quête de son carnet noir et de ce stylo dans cette pièce aveugle, afin de coucher par écrit ses sensations et ses découvertes – le terme le fit sourire.

Il se rappela même avoir téléchargé récemment sur sa puce une application lui permettant de maîtriser l’art de l’écriture à la main. Il avait paramétré son écriture en tant que gaucher car il avait lu quelque part que c’était moins fréquent à l’époque où les gens utilisaient cette technique ancestrale de conservation des données.

Il chassa ces pensées, tentant de se concentrer et passa sa main sur le mur à un endroit bien spécifique, révélant une cavité qui s’ouvrit dans un chuintement discret.

Il sursauta et se retourna aussitôt. Il n’avait pas vu Lune. Concentré qu’il était sur son entreprise solitaire. Il était vrai aussi qu’il était assez rare que Lune soit toujours debout à une heure aussi tardive.

Que venait-elle faire ici, dans cette pièce ? A l’abri des regards.

Il n’eut pas le temps de considérer l’ensemble des éventualités qu’elle était déjà tout près. Plus que proche même, sa langue sur sa peau, ses bras autour de lui.

La réponse était désormais évidente : elle l’attendait et l’avait suivi jusqu’ici. Cependant, là où Luc avait une idée assez précise de ce qu’il voulait faire à cet instant précis, l’idée de Lune semblait encore plus précise mais pas de même nature.

Lune fit claquer ses doigts et un androïde de sexe femelle entra. Elle était grande et sculpturale.

Lune bloqua son approche d’une main et interpella Luc :

Luc n’en revenait pas et son sexe se durcissait de plus en plus. Cela faisait déjà pas mal de temps qu’il avait parlé à Lune d’essayer de faire l’amour à trois. Il pensait qu’elle avait oublié depuis longtemps. Et là, devant lui, un morphe sexuel était à disposition, chez lui. Il était au-delà de l’excitation, il n’arrivait pas à contenir l’élan qui le portait vers les deux femmes qui le regardaient désormais, une lueur érotique au fond des pupilles.

Il n’avait pas réfléchi et avait dit ce qui lui passait par la tête. Lune chuchota à l’oreille du morphe qui se transforma aussitôt en un cadeau tombé du ciel.

Lune commença à caresser le torse de son homme tandis qu’il s’allongeait sur la banquette de la pièce secrète comme ils s’amusaient à l’appeler entre eux. Elsa, elle – car c’était le nom de son actrice préférée depuis déjà plusieurs dizaines d’années –, entreprit d’enlever le bas de la combinaison de Lune, révélant une paire de fesses parfaitement bombée et à la peau sans aucun défaut. Lune avait toujours été musclée et s’était fait refaire plusieurs fois le bas du dos afin d’être complètement à l’aise avec son corps et surtout afin de plaire à Luc. C’était devenue une blague récurrente entre eux (« Lune est dotée de la plus belle des lunes ») que l’on se raconte juste pour se rappeler que l’on forme bien un couple.

Tandis que Luc s’étendait, il vit Elsa introduire son majeur dans le sexe de sa femme et à la doigter méthodiquement. Il distinguait parfaitement le doigt du morphe rentrer et sortir du sexe offert de Lune et cela le rendait fou. Il se leva et se positionna derrière Elsa en lui demandant de lécher sa compagne.

Il écarta sa luxuriante chevelure rousse sur le côté pour la voir entrer et sortir de sa femme et introduit délicatement son gland en elle. Elle était trempée et son gland disparut tout entier entre ses lèvres délicates. Il pénétra un peu plus et Elsa laissa échapper un petit cri tout en continuant à sucer de plus en plus vite Lune qui émit de légers grognements de plaisir. Elsa saisit alors la base de la verge de Luc et l’invita à entrer plus en profondeur. Il ne se fit pas prier et la pénétra de plus en plus fort, la faisant rebondir sur la banquette, tandis que sa langue heurtait le sexe ouvert de sa femme.

Tandis que Luc atteignait son rythme de croisière, enregistrant la scène sur sa puce, Lune écarta ses lèvres avec les deux doigts de sa main droite et demanda à Elsa de la faire jouir tout de suite. Celle-ci fit pénétrer sa langue dans le sexe de Lune et introduit deux doigts de plus en plus vite. Elle aspira son clitoris en continuant sa pénétration digitale rapide. Lune grognait de plus en plus fort et jouit finalement dans un cri bref et spasmodique.

Luc sentait le sperme lui montait le long du sexe et savait qu’il ne pourrait se retenir beaucoup plus longtemps.

Il sortit son sexe du morphe et s’approcha de Lune en se masturbant. Il demanda à Elsa de s’allonger à côté de sa femme et voulut répandre sa semence sur ses seins, sous les yeux bienveillants de Lune. Cependant, celle-ci attrapa son sexe, l’engloutit en entier et avala le jet de Luc qui jouit en elle d’une force qu’il n’avait plus connue depuis très longtemps. Une fois qu’il ne restait plus une goutte en lui, elle le suça de la base de sa verge jusqu’au bout de son sexe rougi. Elle garda les yeux ouverts pendant tout le temps où elle finissait de gober son sperme et souriait. Luc aurait juré qu’elle y prenait du plaisir.

*

Quand Lune se leva pour aller raccompagner le morphe à la porte, Luc lui dit d’aller se coucher sans lui, qu’il voulait « sentir l’essence de la nuit ». C’était sorti ainsi. Il voulait surtout être seul de nouveau et faire ce qu’il était venu faire initialement. La qualité de l’excuse importait finalement peu, il fallait simplement qu’il reste debout. Il mima aussi la fatigue tout en s’allongeant sur la banquette de fortune. Lune ne comprit pas très bien comment son homme pouvait saisir l’essence de la nuit en s’endormant sur ce mauvais couchage mais n’insista pas et le laissa seul.

Il attendit qu’il n’y ait plus un seul bruit et s’approcha de l’objet de sa quête.

Le carnet.

Il était fait d’un cuir craquelé noir, vieilli artificiellement probablement. Il était fait d’un seul bloc, d’environ vingt centimètres sur quinze. Le papier des feuilles intérieures était blanc crème et épais. Il le tordit et entendit la couverture craquer légèrement. Lorsqu’il approcha ses yeux du cuir, il constata que l’usure était irrégulière, comme s’il avait frotté contre quelque chose de manière répétée et que cela avait attaqué la matière. Ce n’était peut-être pas le fait d’un procédé mécanique, mais peut-être simplement l’effet du temps. Il le regarda et posa le doigt dessus. Rien ne se passa. Il prit le stylo qui était posé juste à côté et appuya avec le stylo sur le carnet. Il fit glisser son index sur la couverture. Toujours rien. Aucune icône n’était présente nulle part et il avait beau retourner l’objet, rien ne se passait. Il avait déjà vu des films en deux dimensions où des gens écrivaient, il avait téléchargé la technique, il savait le faire – il était même gaucher – mais il n’avait jamais vu comment l’on accédait à l’application carnet. Il ne comprenait tout simplement pas comment ouvrir le système.

Peut-être fallait-il actionner ce système de charnière rudimentaire se dit-il en regardant le bout de textile qui pendait le long du carnet sombre. Le bout de textile ressemblait à une sorte de frange minuscule et d’une épaisseur régulière. Le mot « ficelle » lui vint à l’esprit même s’il ignorait exactement ce que voulait dire ce mot et si le terme était approprié à la situation. Il tira sur la « ficelle » et elle se défit comme s’il s’agissait d’un système d’attache physique automatique. La ficelle pendait désormais complètement le long du carnet et celui-ci s’ouvrit. Il n’avait jamais vu quelque chose comme ça et se demanda comment il arriverait à refermer le tout. Maintenant qu’il avait compris comment actionner l’ouverture, il prit de nouveau le stylo dans sa main gauche. Il était du poids raisonnable et tenait parfaitement dans la main. La sensation était étrange, presque sensuelle.

Tout était calme, Luc n’avait aucune idée de l’heure mais il était apaisé et l’atmosphère l’invitait à la méditation. Il ne s’était pas senti aussi bien depuis plusieurs semaines.

Il réfléchit quelques instants et décida que le plus simple était sans doute de décrire tout d’abord la façon dont il avait trouvé ces quelques rues où les événements s’étaient déroulés et puis de décrire les événements eux-mêmes par la suite. Il n’avait aucune idée comment faire mais comptait bien sur son application intégrée pour l’aider à coucher tout cela sur le papier.

Il ouvrit de nouveau le carnet. Une odeur particulière s’échappa, comme si elle était restée coincée depuis des années entre ces quelques pages de papier et qu’elle profitait de cette nouvelle liberté qu’on lui offrait. Les senteurs étaient boisées et un peu âcres.

Luc s’arrêta tout à coup de renifler.

Devant lui, des signes avaient été tracés. La première page sur la droite était remplie d’annotation. Il tourna cette page et découvrir un dessin tracée à l’encre sombre.

« Ça alors… », murmura-t-il entre ses dents.

Le dessin lui était étrangement familier, comme s’il représentait quelque chose qu’il comprenait ou bien qu’il connaissait. Cela ressemblait à une vue d’un quartier prise du dessus.

Ce truc lui disait quelque chose, c’était sûr, il en était désormais persuadé. Le plan était soigné, les lignes tracées bien droites et de petites flèches parsemaient le dessin, comme une sorte de carte au trésor. Il tourna la page.

Ses yeux ne crurent tout d’abord pas ce qu’il vit.

Les pages étaient noircies de signes. Il en appela à son module de lecture. C’était du français. Il n’essaya pas de déchiffrer les signes, il se contentait de regarder, fasciné. Il se souvenait pourtant que le vendeur lui avait certifié que l’objet était neuf. « Inutilisé » était le terme qu’il avait employé. Etait-ce une blague ?

Plusieurs pages étaient ainsi recouvertes d’une écriture manuscrite.

Luc passa les quelques pages et décida d’éviter de se déconcentrer. Il avait une mission : commencer à répertorier les indices qu’il avait glanés ce soir et relater les événements étranges dont il avait été témoin.

Il se brancha sur son module d’écriture et commença simplement par tracer la date et son nom. Au moment où il allait entamer le récit de sa soirée, un élément le troubla. Il s’arrêta. Tourna la page. La plia. Compara les écritures.

Pour la deuxième fois, Luc murmura un « ça alors » pour lui-même.

Les deux écritures étaient similaires. Plus que ça. Identiques.

Etait-ce lui qui avait écrit ces quelques pages ? Il n’en avait aucun souvenir.

Il avait encore toute sa tête, n’avait pris aucune drogue dure récemment, l’explication devait donc être ailleurs. Se pouvait-il que l’application d’écriture qu’il avait téléchargée soit si standardisée qu’elle produisît la même graphie chez des personnes différentes ? Cela semblait plutôt improbable, il se souvenait qu’il y avait plein d’options possibles et de nombreux logiciels différents. Quelle était la probabilité pour que quelqu’un qui ait téléchargé la même application d’écriture que lui écrive dans un carnet que lui-même allait acquérir quelques temps après ?

C’était simplement impossible. Tout se mélangeait dans sa tête, mais il savait une chose : il ne connaissait rien à ces applications. Peut-être que tout le monde avait la même écriture finalement.

Il réfléchissait mais aucune autre idée ne lui vint. Il entreprit de lire la prose de la personne qui avait la même écriture que lui.

Il lut le dernier paragraphe qui avait été écrit.

« La coursive était étroite et mal éclairée. Mais je la reconnaissais. C’était la même. Celle que j’avais vue dans mon rêve. Un sentiment de déjà-vu m’habita. Et puis tout à coup une ombre. Devant moi. A quelques mètres seulement. La même chemise, les mêmes jambes courtes. La même tignasse à la teinte si particulière. C’était lui. J’en étais sûr. J’ai allongé le pas et quand il s’est arrêté puis retourné, je l’ai vu une nouvelle fois. C’était lui. Cela ne faisait aucun doute. Anthony. »

Le carnet lui échappa des mains.

L’invraisemblance de la situation le frappa de plein fouet. Il se leva, ses mains tremblaient. Le stylo était toujours sur sa paume gauche. Il le regardait, persuadé qu’il était victime d’un maléfice quelconque. Les questions se bousculaient dans sa tête.

« Comment ce qu’il voulait écrire se retrouvait-il déjà écrit ici ? »

« Ce carnet avait-il quelque propriété magique ? »

« … et cette écriture similaire, troublante, était-elle ou pas la sienne ? »

Une grande lassitude le prit soudain et il reposa le carnet et le stylo dans l’emplacement prévu à cet effet. Il passa la pulpe de son doigt sur le mur afin de refermer la boîte qui renfermait ces reliques d’un ancien temps.

Il s’allongea sur la banquette et s’injecta une dose massive de somnifère. La journée avait été longue, éprouvante.

Il devait s’échapper. Maintenant.

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