Sacrée Grande Reine de Drag Race France lors de la finale de l’émission diffusée hier soir sur la plateforme France Télévisions, retransmise samedi soir sur France 2, Paloma nous a accordé un entretien exclusif ! Elle nous raconte son parcours dans l’émission, un engagement pour rendre plus visible la culture du drag et la communauté queer…
Comment est née Paloma ? Et qui est elle ?
Paloma est née en 2018 à l’occasion d’un film que j’ai réalisé. Je souhaitais écrire un rôle de Drag Queen pour un court-métrage, parce que je voulais jouer une Drag Queen dans un film !
Je devais simplement la jouer et puis finalement, c’est devenu mon personnage public, mon personnage de scène. C’est une Drag Queen comédienne, c’est mon super héros de scène. »
Paloma, gagnante de Drag Race France
Comment réagit-on quand on fait partie des 10 Drag Queens sélectionnées pour la toute première saison de Drag Race France ?
Je n’y ai pas cru tout de suite ! Mon cerveau n’a pas trop réalisé sur le coup, je pense que j’en ai vraiment pris conscience seulement il y a quelques jours avec les premiers épisodes diffusés de l’émission ! L’engouement des gens aussi m’a aidé à réaliser.
C’était énorme comme nouvelle quand on m’a annoncé que j’étais pris, mais il y a tellement de choses à préparer dès le lendemain que c’est déjà le stress ! (rires)
Paloma, gagnante de Drag Race France
Le premier épisode a rassemblé presque 1 million de personnes. Cela a été un tel succès que France TV a finalement décidé de diffuser les épisodes le samedi soir sur France 2. Est-ce que vous vous attendiez à un tel engouement ? Qu’est-ce que ça vous inspire ?
C’était inattendu. Je ne pensais pas que cela marcherait autant en France et je ne pensais pas non plus que le service public la diffuserait toutes les semaines.
On nous répète toute la journée que les gens n’aiment pas trop qu’on les bouscule, qu’on leur change un peu leur programme, qu’ils aiment voir toujours la même chose… Je n’ai jamais été d’accord avec ça.
Et c’est un peu prendre les gens pour des imbéciles que de penser que parce que c’est nouveau, ils ne vont pas aimer.
Drag Race France est la preuve, que les Français sont prêts à voir ce genre de programme et ils sont prêts depuis longtemps !
Paloma, gagnante de Drag Race France
Comment pourriez- vous définir l’art du Drag et plus particulièrement le Drag Français pour quelqu’un qui n’y connait rien ?
Le Drag ne fait pas vraiment parti de la culture française. En France, c’est plus une culture du transformisme ou du cabaret.
Paloma, gagnante de Drag Race France
Les transformistes sont des imitateurs, ils vont se transformés physiquement en une célébrité et l’imiter. Le Drag ce n’est pas ça.
Le Drag, c’est se créer un personnage qui est à soi, c’est une création personnelle. Ça rejoint un peu plus le travesti du Cabaret. Le principe du Drag, c’est de se créer une identité pour la scène avec laquelle on va faire ce qu’on veut. On n’est pas obligé de faire une figure féminine ! On peut faire toutes sortes de personnages.
Comme nous sommes des personnages Queer, il ne faut pas l’oublier, on se moque des codes de genres ! On détourne pour déconstruire les codes sociaux très hétéronormés.
Paloma, gagnante de Drag Race France
Est-ce que vous considérez Drag Race France comme une émission tout public ?
Oui ! Elle a quand même été déconseillée au – de 10 ans, parce qu’on parle parfois de certains sujets qui ne sont pas faciles à faire comprendre à des enfants. Mais en soi, c’est nécessaire que ce soit tout public.
Quand j’avais 12/13 ans et que j’allumais la télévision, je n’avais pas de référent Queer, je n’avais pas de modèle de représentation de la communauté LGBTQR+ qui me ressemblait, qui me correspondait.
Paloma, gagnante de Drag Race France
Le but est, certes, de divertir mais surtout d’occuper l’espace public, ce qui n’était pas du tout le cas avant. Les personnes LGBTQR+ étaient très peu médiatisés, aujourd’hui quand on allume la télé, on peut se reconnaître en nous.
Paloma, gagnante de Drag Race France
Vous surprenez chaque semaine en arrivant sur scène avec des références cinématographiques, artistiques, musicales, ou encore de haute couture, est-ce important pour vous d’amener tout cela dans votre drag ?
C’est très important parce que je viens du théâtre et du cinéma, de la mise en scène et de la réalisation. Quand j’avais ce parti-pris au théâtre et au cinéma, les gens me disaient » Oh ! Mais arrête de faire des références ! » Il y avait quelque chose d’un peu trop Queer dans le fait de faire des références à la Pop Culture, aux actrices, dans mes personnages… S’il y a un bien un endroit où on est valorisé de le faire, c’est le Drag ! Cela fait complètement parti de la culture.
C’est comme cela que j’ai construit mon Drag, en bouffant toute la cinématographie de Catherine Deneuve, Isabelle Hupert, Fanny Ardant… C’est qui je suis.
Paloma, gagnante de Drag Race France
Visiblement, ça plait aux gens et ça leur parle, et c’est ce qui m’a le plus surprise.
Quel a été votre maxi-challenge préféré ?
J’ai tout aimé. Il n’y a pas eu un challenge où je ne me suis pas éclatée. J’étais comme un enfant dans un parc d’attraction à qui on va dire « Tu vas faire ton jeu préféré, tous les jours. » (rires)
Pour moi, j’étais à ma place dans Drag Race. Même quand c’était difficile et que j’ai eu des moments un peu dur, comme le Girls Band, où je n’étais franchement pas la meilleure, j’ai vécu ma meilleure vie. Mon challenge préféré, où je me suis sentie le plus légitime et à ma place, ce sont les deux que j’ai gagnés. C’est l’acting challenge, « Queen pour cent ». Le rôle me plaisait, je suis restée sur le plateau pendant 3 heures. Je savais que c’était mon moment et je me suis vraiment beaucoup amusée avec La Grande Dame. Et le challenge de parfum, c’était la même chose, j’ai pu m’amuser en tant que réalisatrice. Mais mon meilleur souvenir, c’était le Lip Sync sur Libertine de Mylène Farmer. Je n’oublierais jamais ce moment.
On a eu le droit à des moments très bouleversants durant cette saison comme le lip sync de La Big Bertha et de Lolita Banana sur la chanson Corps d’Yseult ou la demi-finale où vous avez pu fouler la scène avec vos meilleurs amis, quel a été le moment le plus marquant de la saison pour vous ?
» La finale était très émouvante bien évidemment ! Mais des moments d’émotions de groupe, il y en a eu d’autres. Ce qui était très émouvant pour moi, c’était les départs des autres Queens chaque semaine. C’est tellement intense, ça va tellement vite, et je sais à quel point c’est un investissement à tous les niveaux. Quand Kam Hugh est partie, ça été très dur, car je sais à quel point c’est une travailleuse, toute l’énergie qu’elle met dans son Drag. La voir partir ça a été très dur pour moi.
Pourquoi pensez-vous que les moments dans l’Atelier, où vous vous dévoilez entre vous mais aussi pour les téléspectateurs, sont importants ?
Les gens ne connaissent pas forcément les Drag Queen avant, et on n’a pas l’habitude de les voir quand elles ne sont pas en Drag.
À la télévision, jusqu’à présent, et dans les médias, les Drag Queens ont toujours été des personnages de cirques, un peu étranges et déshumanisées qui n’ont pas d’identité et qui sont là pour faire rire et être sexy. Tout d’un coup, on nous a donné la possibilité de montrer ce que c’est vraiment l’art du Drag, à quel point c’est très complexe et que ça englobe tous les autres arts.
Paloma, gagnante de Drag Race France
Et ça montre surtout les humains qu’il y a derrière, même si pour nous, ce n’est pas toujours évident de se montrer en civil, parce que cela fait justement partie des raisons pour lesquelles on fait du Drag, on se donne une carapace sur scène. On ne cherche pas forcément à se cacher, mais grâce aux costumes et au maquillage, on se sent plus libre. Se montrer en civil, c’est nous obliger à enlever ce masque pour parler de nous. C’est essentiel pour que les gens se sentent concernés et soient touchés par ce qu’on a à leur raconter.
Vous venez de remporter la toute première saison de Drag Race France, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Cette victoire représente pour moi une revanche personnelle. Mais c’est aussi un rôle qui m’est donné, celui de représenter toute une communauté souvent invisibilisée.
Paloma, gagnante de Drag Race France
Qu’est-ce que vous attendez des prochaines saisons de Drag Race France ?
J’espère qu’on continuera d’avoir ce climat de bienveillance. On s’est tellement bien entendues entre nous, c’était tellement paisible et joyeux. On n’est pas du tout tombées dans ce truc de télé-réalité. Et je pense que c’est important, surtout dans une émission sur les personnages Queer qui n’existait pas jusqu’à présent en France, qu’il y ait une image positive. Et qu’elle soit diffusée un peu plus tôt que minuit à la télévision ! (rires)