Rosa, c’était notre éternelle célibataire. Celle qui enchaîne les rencontres amoureuses toutes pourries. Qui désespère de trouver LE mec et se lamente de l’immaturité des hommes à s’engager alors qu’elle, elle est prête à « squirter des ovocytes » (sic !!). Mais devinez quoi ? Rosa a trouvé l’amour. Le vrai. Enfin, pas auprès d’un mâle alpha aux bras puissants et à l’appétit d’ogre comme elle l’avait toujours imaginé et ça, ça l’embête. Dans son nouveau spectacle « Dédoublée », Rosa Bursztein se raconte une nouvelle fois dans un récit encore plus intime : congélation d’ovocytes, fausse couche, profil de petite amie toxique, elle nous confie avec humour trash ses questionnements profonds de trentenaire féministe (pas tout à fait) déconstruite !
crédit photos ©️ Élise AUGUSTYNEN
Rosa, dans quel état d’esprit as-tu écrit ce deuxième spectacle « Dédoublée » ?
En fait, c’est quasiment le troisième. Je me suis jetée dans le stand up en écrivant un tout premier spectacle, « Ma première fois », encore disponible sur Youtube ! Ensuite j’ai écrit mon spectacle « Rosa » puis « Dédoublée ». Ce qui m’a beaucoup questionnée pendant son écriture, c’est comment passer du sujet du célibat au sujet du couple ! Car « Dédoublée », c’est avant tout comment faire deux et comment faire couple.
Ton écriture est très intime. C’est impossible pour toi de ne pas te raconter sur scène ?
J’aime beaucoup le travail d’Ali Wong par exemple qui a commencé par raconter la naissance de ses filles et comment elle avait formé son mari à la parentalité. Aujourd’hui elle parle de son divorce… Pour le stand up, le côté autobiographique colle.
Si j’allais vers une écriture plus fictionnée, ce serait pour un film ou une série. Pour mon spectacle, j’aime que le thème soit nos vies à un instant T de l’actualité politique.
En quoi ce nouveau spectacle tranche avec le précédent ?
Il tranche car je me sens plus assumée. Je porte d’ailleurs dans ce spectacle une jolie robe dans laquelle je me sens belle, contrairement au pyjama ample de mon spectacle précédent. C’est aussi un clin d’œil à ma culture théâtre.
On découvre, dans ce nouveau spectacle, la Rosa en couple. Et tu nous montres un visage… toxique !
Dans mon précédent spectacle, c’était : les mecs tous des connards. Je me plaignais de leur lâcheté, de leur absence d’engagement alors que nous, les femmes, on était prêtes à aimer…
Aujourd’hui, je m’inclue dans ce chemin nécessaire de déconstruction car j’ai réalisé que je pouvais être une femme toxique ! J’ai énormément de travail qui m’attend.
Sur scène, j’identifie tous les endroits où, en couple, je suis encore très problématique, notamment dans ce que j’attends physiquement d’un mec : qu’il soit grand, fort, qu’il mange plus que moi… Ce qui n’est pas le cas de mon amoureux et ça me rend folle ! C’est un chemin un peu risqué de parler du corps des hommes, car il y a beaucoup de solidarité entre mecs. On se moque toujours plus facilement des femmes ! Mais quand je me moque d’eux, je me moque surtout de mon regard non déconstruit sur eux. C’est ma façon de faire de l’humour : voir et observer partout là où j’échoue.
Ce spectacle, c’est aussi le moment pour toi d’aborder la question de la maternité…
Oui, je suis dans ce moment de la vie d’une femme où se pose la question de la maternité, de la congélation des ovocytes…
Dans ton spectacle » Dédoublée », tu te confies sur une expérience douloureuse : celle d’une fausse couche. N’avais-tu pas peur de confier sur scène que tu essaies d’avoir un enfant avec ton amoureux ?
Ce spectacle est encore plus intime que le précédent. L’écriture est aussi plus travaillée, tout est dans la sincérité absolue.
Je ne me voyais pas être dans cette transparence et cette mise à nue sans en parler, même si c’est peut-être cruelle pour moi car c’est encore récent. Mais c’est aussi je crois ce que j’aime en tant que spectatrice : passer des larmes au rire. Si à l’intérieur du spectacle, j’arrive à amener une tension, à prendre les gens aux tripes, le rire est dédoublé ! Et puis très égoïstement, ça m’aide à aller mieux.
Je ne rentre pas dans les détails, mais par exemple on m’avait dit que j’allais saigner pendant 1 semaine à 10 jours. Ca a duré 3 semaines. Trois semaines pendant lesquelles j’ai dû continuer à sourire et poursuivre ma vie pro, comme mon partenaire, alors que je vivais une déflagration immense. Il ne faut pas faire peur aux femmes, mais la connaissance c’est toujours du pouvoir qu’on leur donne.
Dans ton spectacle, il est souvent question de tes grands-mères et c’est la première fois que tu en parles autant. Pourquoi ?
Oui, c’est un autre sillon que je creuse dans ce nouveau spectacle : celui de mes grands-parents.
Mais j’ai observé qu’on est nombreuses à penser à une malédiction en amour, sauf celles qui commencent à avoir un bagage féministe et qui réalisent qu’elles ne sont pas responsables quand on commence à comprendre les relations de pouvoir dans une relation hétérosexuelle non déconstruite.
Tu termines ton spectacle par un enregistrement de ta grand-mère qui parle en yiddish. Pourquoi avoir choisi cette archive sonore ?
Dans « Ma première fois », je terminais mon spectacle par la lecture de mon journal intime à 7 ans. Dans « Rosa », je finissais avec un mail de déclaration d’amour envoyé à mon amoureux à 12 ans. Et dans celui-ci, je suis carrément retournée en arrière avec cette parole d’un autre siècle.
Ce qui m’émouvait dans ce discours, c’est sa relation avec sa mère qui s’est sacrifiée pour elle. Je pense que nous ne sommes pas encore délivré de cette crainte de faire des enfants et d’être punie au travail. Partager cette archive, c’est de nouveau parler des femmes, de leurs questionnements : un thème très fort qui m’habite et me préoccupe.
On te sait aujourd’hui heureuse en amour Rosa. Y crois-tu enfin à ton bonheur ?
Je pense que je suis encore dans l’étonnement d’y être arrivée !
Pour conclure, pourquoi avoir intitulé ton spectacle « Dédoublée » ?
Pour trois raisons principales.
La première, c’est ma quête : est-ce que je peux sortir de ma solitude, du célibat, pour trouver l’autre ? L’affiche nous représente d’ailleurs moi et mon copain dont la tête est recouverte de bonbons, parce que criblé de balles, ça n’aurait pas été très good vibes !
La deuxième, c’est aussi toutes les dualités en moi que je peux ressentir dans mon cheminement féministe et qui me poussent à une déconstruction permanente.
Et puis la troisième raison, la plus intime, c’est aussi mon rêve d’accueillir un jour une autre présence en moi.