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Sara Martins, noire n’est pas son métier !

Personnalité de feu, actrice engagée pour une meilleure représentation sociale dans le cinéma français, nous avons rencontré Sara Martins à l’occasion de la sortie de Voyez comme on danse de Michel Blanc, où elle incarne le rôle de Séréna. Une rencontre étonnante et passionnante dans l’intimité d’un café parisien…

Tu as commencé très jeune la danse, puis le théâtre au lycée : tout de suite tu as voulu orienter ta vie vers l’art ou c’est une passion qui est venue par hasard ?

Plutôt par hasard ! La danse, c’était une passion mais surtout un moyen d’expression et j’ai eu la chance d’intégrer l’Opéra de Lyon ! Il y avait 6 places par an pour des cours gratuits et ma mère a fait la queue dès 6h du matin pour avoir une place pour sa fille ! J’ai commencé le théâtre au lycée , comme toute bonne élève, j’ai voulu faire des études de droit et je me suis dit que ce serait bien de savoir s’exprimer à l’oral. J’ai eu cette chance incroyable de rencontrer Roger Planchon, directeur du TNP (ndlr : Théâtre National Populaire), qui avait besoin je cite d’une “jeune fille de couleur”. Il se trouve que c’était un rôle muet donc mon parcours de danseuse était parfait. Et j’ai donc joué cette pièce à 18 ans. Et tous m’ont dit qu’il fallait que je fasse le Conservatoire. Mes parents ne m’ont pas empêché d’essayer : c’était sérieux, c’était payé. Quand je suis rentrée au Conservatoire, j’ai appris véritablement ce métier. J’ai continué pendant trois ans les cours de droit en correspondance. Et je suis assez contente d’avoir fait les deux : ça m’a permis de comprendre les rouages des institutions.

Quels souvenirs gardes-tu du Conservatoire ?

C’est le moment où tu es avec des gens du même âge. C’est un terrain de jeu incroyable et ça donne une légitimité énorme sur les plateaux, surtout quand tu as 20 ans. J’ai appris des techniques très utiles. Très souvent, les metteurs en scène ne sont pas forcément des directeurs d’acteurs. Tu apprends à te connaître, à savoir quelles sont les cordes sensibles ou pas. Moi, je sais que ma manière d’aborder un rôle sera toujours très physique. L’image qu’on donne c’est la moitié du travail de fait. J’adore par exemple changer de parfum par personnage. Ca m’emmène déjà ailleurs. J’ai besoin de me brosser une démarche, un costume, une silhouette. J’ai appris ça de moi en étant au Conservatoire. Et puis c’est aussi une formation qui nous fait travailler avec les meilleurs : le métier nous connaît déjà. On sort de l,à on a déjà un agent.

On pouvait voir dans ces films une femme noire qui n’était ni une femme de ménage, ni une immigrée.

Je t’ai beaucoup associée aux téléfilms à enquête policière. C’était un choix de ta part ?

C’est vraiment le hasard. Je ne voulais pas forcément être à la télévision. Mais il y a 20 ans, 80 % des séries étaient sur les enquêtes policières ou les hôpitaux. Très vite, c’est le genre de rôle qu’on m’a proposé. Mais c’est très bizarre parce que je ne me reconnais pas du tout là-dedans. J’aimerais bien faire des comédis romantiques ! (rires) En tout cas, on pouvait voir dans ces films une femme noire qui n’était ni une femme de ménage, ni une immigrée.

Aujourd’hui sort Voyez comme on danse de Michel Blanc dans lequel tu incarnes le personnage de Séréna. Peux-tu nous en parler ?

En ce qui me concerne, je ne peux pas trop parler de mon personnage sinon je spoile le film. Mais en tout cas, c’est la suite d’Embrassez qui vous voudrez. Je suis la maîtresse d’un époux d’une des femmes. Avec ce personnage, j’ai pu me questionner un peu plus sur la féminité, comment être femme sans chichis. Et d’ailleurs, il y a un vrai débat à avoir avec ce film. Mais il faut le voir…

Tu as joué aux côté de Karine Viart, Carole Bouquet, Charlotte Rampling, Jean-Paul Rouve… Une expérience unique ?

Pour moi, c’était des idoles. L’écriture du scénario et du comique étaient très minutieuses. Michel Blanc est génial. Je voulais vraiment le rencontrer, Karine Viart aussi. Carole Bouquet est une icône qui peut être impressionnante et qui vous accueille avec chaleur. Et la vraie révélation, c’est Charlotte Rampling ! Si tendre et drôle !  

Tu as le souvenir d’une anecdote durant le tournage ?

J’en ai eu beaucoup avec Jean-Paul Rouve mais c’est difficile de les raconter ! (rires) Une anecdote de tournage, ce serait celle du premier où tout le monde est dans ses petits souliers. Tout est quadrillé à la minute. Les équipes sont prêtes. On s’apprête à tourner… et là, un homme saoul arrive et veut être dans ce spot. Pendant 40 minutes on a dû attendre que le mec se déloge !  (rires)

C’est un film à femmes. C’est un bonbon. Ca fait du bien. Et c’est tellement bien écrit.

Que dire aux lectrices du Prescripteur pour qu’elles aillent voir le film ?  

Oh, il faut aller voir ce film mais pas pour moi. (rires) J’ai revu le premier film avant de passer les essais pour Voyez comme on danse et j’ai vraiment trouvé le film extrêmement féministe. C’est vraiment un film pour la camaraderie féminine. Les hommes sont un peu nuls, un peu lâches, mais ils sont touchants. C’est un film à femmes. C’est un bonbon. Ca fait du bien. Et c’est tellement bien écrit. Et ça fait du bien d’aller au cinéma pour se distraire. C’est enthousiasmant. Le cinéma est fait pour cela aussi.

Quel rôle tu as envie de jouer ? et avec quel réalisateur ?

C’est un peu lourd d’être presque tout le temps dans des drames, moi j’aime la comédie, j’aime faire rire. Les réalisateurs comme Michel Audiard, Jacques Amalric avec qui j’ai envie de travailler ne sont pas forcément des réalisateurs de comédie ! (rires) Ceci dit j’adore Chabat.

Peut-être qu’il y a 50 ans, c’était plus réaliste que j’ai le rôle de l’infirmière et pas celui de la médecin, mais plus maintenant ! Il n’y a plus de raisons de cantonner les noires dans des rôles sombres, dramatiques sur l’esclavage, la pauvreté…

On te sent assez engagée, peux-tu nous parler de Noire n’est pas mon métier, un ouvrage auquel tu as participé ?

La consigne était simple : rédiger une anecdote sur son parcours en tant qu’actrice noire. C’est un livre de témoignages, ce n’est pas un manifeste. On a été inspirées par le mouvement #MeToo même si nous ne sommes pas du tout dans une démarche de dénonciation pure #Balancetonraciste. Le but est de réveiller les consciences sur les clichés qui subsistent et qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui sur les actrices noires dans le cinéma français. Il y a beaucoup de choses qui ne me choquaient pas auparavant : je trouvais ça normal de ne pas avoir le premier rôle. Peut-être qu’il y a 50 ans, c’était plus réaliste que j’ai le rôle de l’infirmière et pas celui de la médecin, mais plus maintenant ! Il n’y a plus de raisons de cantonner les noires dans des rôles sombres, dramatiques sur l’esclavage, la pauvreté… Nos films ne représentent pas le tissu social. Je ne suis pas en train de dire que je souhaite qu’il y ait des films avec des noirs, produits par des noirs, etc.. Je veux que les films représentent ce que je vois dans le métro ! 

Dirais-tu que les choses sont en train de changer ?

Oui ! Il y a aussi eu un avant et un après Black Panthers ! Ce film est super féministe. Plus que sur la question raciale, il a aussi prêté à l’Afrique des choses qu’on ne lui attribue jamais : une avance technologique ! Depuis Barack Obama, tu vois que les hommes noirs peuvent parler de manière intelligente ! (rires)

Comment vois-tu ta fin d’année ?

Dans les couches ! (rires) (ndlr : Sara a, depuis notre interview, donné naissance à une petite fille ! Félicitations :)).

 

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