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Zita Hanrot : « Lorsque tu te déshabilles devant une caméra, ce n’est pas le public qui a le pouvoir, c’est toi. »

Zita Hanrot à mon seul désir couverture magazine le prescripteur crédit photo lucie sassiat

Beaucoup la connaissent par son rôle d’Elsa, dans la série Plan Coeur sur Netflix. D’autres l’avaient déjà repérés en 2016 lorsqu’elle avait remporté le César du meilleur Espoir Féminin ! Une chose est sûre : vous avez déjà croisé le regard de cette actrice puissante et engagée, qui revient dans les salles obscures avec A mon seul désir : un film de Lucie Borleteau qui célèbre les corps et les désirs des femmes, et où Zita Hanrot incarne une jeune actrice strip teaseuse la nuit… Rencontre.

Lorsqu’on découvre ton parcours, on a le sentiment que ta volonté de devenir actrice est présente depuis toujours, est-ce le cas ?

Je pense que c’est plus le cas, que pas le cas ! (rires) Mais ça ne s’est pas manifesté aussi clairement que certaines de mes copines qui voulaient devenir actrices dès l’âge de 4 ans. Moi cela s’est fait un peu par hasard. Toute ma famille est plus ou moins artiste : on est habitué à l’insécurité de ces métiers, donc il n’y avait pas d’angoisse par rapport à cela. Je me suis lancée dans cette carrière et plus j’avance, plus je trouve que ce métier vieillit bien avec l’expérience, la pratique, dans le sens où nos expériences de vie vont nous permettre d’incarner d’autres histoires. C’est un métier qui te demande d’être très curieux, de lire, d’aller voir des expo… Comme pour tout métier artistique, l’inspiration est partout ! Bref, tu ne t’ennuies pas !

Tu remportes en 2016, le César du meilleur espoir féminin pour ton rôle de Nesrine dans Fatima de Philippe Faucon. Qu’avais-tu ressenti à ce moment-là de ta carrière ? 

Je pense que cela m’a beaucoup déstabilisée car je n’avais pas beaucoup d’expériences à l’époque. Je pense que si on me distinguait pour un film aujourd’hui, ce serait très différent car je me sens bien plus actrice !

Ce César est arrivé un peu par hasard, même si je ne remets pas en cause le fait de l’avoir mérité, mais j’ai plus l’impression d’avoir été choisie que de l’avoir choisi !

Zita Hanrot pour Le Prescripteur

Les gens te connaissent beaucoup par Plan Coeur, la série Netflix qui a eu un succès fou. Quels souvenirs gardes-tu de cette aventure ? 

C’est une expérience super importante dans ma carrière car à l’époque, je venais de tourner dans six drames d’affilée, et j’avais dit à mon agent que cela devenait assez pesant, que j’avais envie de jouer dans une comédie, pour aller chercher autre chose. J’avais l’impression que je ne savais pas sourire devant une caméra. Plan cœur a été une expérience complètement nouvelle : je suis allée chercher d’autres choses en moi que je n’avais jamais expérimentées.

Cela a été un long travail de construction de mon personnage, Elsa, qui m’a permis d’embrasser le métier d’actrice en travaillant sa légèreté, sa liberté, son rythme, sa vitalité… Et puis tout allait plus vite que dans un film ! J’ai tenté des choses qui m’ont servi par la suite.

Zita Hanrot pour Le Prescripteur
Zita Hanrot
Crédit photo – Lucie Sassiat pour Le Prescripteur

Tu es à l’affiche d’A mon seul désir… où tu incarnes le rôle d’une comédienne qui travaille dans un club de strip tease. Avais-tu déjà passé la porte d’un club avant d’accepter le rôle ?

Non ! (rires) Ce scénario est extraordinaire parce qu’il nous oblige à regarder les choses d’une autre façon.

J’ai eu du mal à comprendre Mia, mon personnage, car elle est bien plus libre que moi : elle assume entièrement son désir d’occuper la scène, d’être regardée…

Zita Hanrot pour Le Prescripteur

Mon personnage et celui de Louise Chevillot (Aurore) ont une fragilité, mais elles n’essayent pas de la dissimuler constamment. Elles en deviennent très fortes.

Pendant la préparation, je suis allée dans un théâtre érotique et j’ai réalisé que lorsque tu te déshabilles devant une caméra, ce n’est pas le public qui a le pouvoir, c’est toi : parce que tu choisis de te déshabiller à cet endroit.

Zita Hanrot pour Le Prescripteur

Quand j’ai commencé à comprendre Mia, et à faire mes choix d’interprétation, j’ai commencé à la protéger, je ne voulais pas qu’on la critique ! Comme Elsa de Plan cœur, c’est devenu quelqu’un qui me touche, même si je n’ai pas fait les mêmes choix qu’elle. 

La liberté du personnage de Mia a-t-elle déteint sur ta propre vie ?

Il se trouve que je suis tombée enceinte juste après le tournage du film. Je suis partie sur autre chose ! (rires) Mais en reparler aujourd’hui me replonge dans ses coulisses…

Je pense que ce film est essentiel, qu’il est même en avance sur son temps. On y parle du corps de la femme qui n’est pas en souffrance, on est dans le plaisir et la jouissance… On ne punit pas les filles pour leur désir d’émancipation.

Zita Hanrot pour Le Prescripteur

Et puis tous les corps sont incarnés dans le film, sans que cela soit un sujet, c’est simplement évident. Beaucoup de jeunes filles qui ont vu le film viennent nous voir et nous disent « On ne voit jamais de femmes comme ça ! », je ne m’en étais pas spécialement rendu compte au tournage et je suis très heureuse d’avoir pu y participer. 

Zita Hanrot
Crédit photo – Lucie Sassiat pour Le Prescripteur

Quel est ton meilleur souvenir de tournage ?

C’est une scène qu’on joue avec Louise qu’on appelle la scène des secrets : c’est une scène de discussion intime dans une mise en scène qui se joue dans la parole et dans les corps. On a tourné 6 ou 7h pour cette scène très technique et découpée avec beaucoup d’émotions.

Tu a co-fondé l’association ADA qui est un réseau de solidarité entre acteur.ices. Peux-tu nous en dire plus ?

Cette association est née sous l’impulsion des travaux d’Iris Brey, critique de cinéma français, qui questionne la représentation des femmes dans l’audiovisuel. On a eu l’idée avec Daphné Patakia, Suzy Bemba et Ariane Labed de fonder l’asso’ ADA (Association Des Acteur.ices) pour créer des rencontres entre acteur.ices et questionner les représentations dans le cinéma. Nous en sommes à 40 adhérentes ! Pour te donner quelques exemples, on a déjà eu en invitée une coordinatrice d’intimité dont la présence, à notre sens, devrait être obligatoire sur les plateaux de tournage dès qu’il y a des scènes d’intimité, car il y a encore beaucoup trop de dérives !

On voit trop de scènes d’amour où c’est n’importe quoi : on touche la nana 1 seconde, elle fait un max de bruit et elle orgasme ; ou encore l’homme couche avec la femme de façon violente…

Zita Hanrot pour Le Prescripteur

Notre prochaine invitée est une avocate pénaliste qui va nous présenter les droits qu’on a sur le plateau. C’est un réseau de solidarité porté par des féministes qui questionnent les rapports de force et donnent des outils concrets pour mieux se protéger dans le métier !

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