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Caroline Anglade : « Le confinement m’a permis de me recentrer sur ma cellule familiale »

Ses deux derniers films, dont la sortie a été repoussée à cause du Covid-19, se retrouvent en salles en même temps. L’occasion de s’entretenir avec Caroline Anglade sur ses rôles dans Divorce Club et Tout simplement noir, de savoir comment l’actrice qui était enceinte de son deuxième enfant a vécu le confinement et d’aborder ce que cette période de crise sanitaire a remué en elle.

Tu es à l’affiche de Divorce Club de Michaël Youn, en salles depuis le 14 juillet. Comment as-tu intégré le projet ?

Caroline Anglade – Michaël m’a contactée après m’avoir vue dans le film Tout le monde debout de Franck Dubosc, pour me proposer le rôle de Marion. J’étais surprise et flattée qu’il me fasse confiance pour participer à son film sans même me faire passer des essais !

Parle-nous de ton rôle dans le film.  

Caroline Anglade – Marion est une girl next door bien dans ses pompes, spontanée et entreprenante qui sort d’un échec sentimental et va essayer de retrouver l’amour. Je ne me suis pas sentie si éloignée que ça de son caractère et je n’ai pas eu l’impression de devoir faire un énorme travail de construction autour de ce personnage : elle n’était pas dans l’excès et j’y suis allée à l’instinct.

Quelle énergie régnait sur le tournage ?  

Caroline Anglade – Géniale, on a beaucoup ri ! Michaël est très drôle mais il tenait quand même les rênes de son tournage et il nous a cadrés, tout en nous laissant une très grande liberté d’interprétation. Une fois qu’il a choisi ses acteurs, il les laisse explorer en leur disant qu’ils peuvent proposer des choses, qu’il prendra ce qui lui plaît mais qu’il est déjà convaincu par ce qu’on peut faire : on se sent aimé et rassuré. Ce n’était pas prévu au départ mais Michaël joue aussi dans le film car après avoir constitué l’équipe, il avait envie de faire partie du casting pour ne pas risquer d’être frustré en n’étant que réalisateur. Il y a eu de grands fou-rires avec François-Xavier Demaison et Arnaud Ducret mais Michaël a apporté une structure au sein de la folie ambiante. Et je pense que c’est la raison pour laquelle cette comédie est réussie : il a su mêler déconne et professionnalisme.

On se rappelle des débuts de Michaël Youn en trublion ingérable du Morning Live dans les années 2000… Tu as été étonnée d’avoir affaire à un réalisateur aussi sérieux ? 

Caroline Anglade – J’avais adoré sa comédie Fatal mais j’avoue qu’avec son image de mec un peu foufou je ne m’attendais pas à découvrir quelqu’un d’aussi brillant, avec une telle rigueur et une telle tendresse dans sa direction d’acteurs.

Tu joues également dans Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi et John Waxx, qui vient de sortir. Un film avec une résonnance particulière dans le contexte social actuel…

Caroline Anglade – Oui, c’est tellement incroyable que le film sorte à un moment où il fait à ce point écho à l’actualité ! J’y joue la femme de JP, interprété par Jean-Pascal, un acteur raté qui veut réaliser une marche de contestation noire pour laquelle il fait appel à des stars comme Fary, Soprano, Fabrice Eboué, etc. C’est une comédie qui vise à démonter les préjugés sur les noirs. Et avec Mathieu Kassovitz, nous sommes les seuls babtous du casting (rires) !

Justement, raconte-nous comment tu as intégré le casting de Tout simplement noir… 

Caroline Anglade – Tout part d’une rencontre improbable avec Jean-Pascal Zadi à l’aéroport, en Guadeloupe. Lui venait de tourner des reportages pour l’émission C koi les bayes ? Moi j’étais avec Amelle Chahbi avec qui j’avais tourné All Inclusive de Fabien Antoniente. Jean-Pascal raconte que dans l’avion il a regardé Tout le monde debout qu’il a adoré (encore une fois ce film m’a porté chance !) et Amelle lui dit que justement j’y joue le rôle de la petite sœur d’Alexandra Lamy. Il me regarde, j’étais en jeans-baskets (l’inverse de mes looks dans le film), et il me dit « Ah mais je ne t’aurais pas reconnue, t’es une vraie comédienne, tu n’es pas comme ça dans la vie ! » J’étais pliée face à sa réaction ! Et trois mois plus tard, il m’appelait pour me proposer le rôle de sa femme dans le film. J’ai lu le scénario et je me suis dit que j’allais jouer dans la pépite de la rentrée.          

L’idée était d’aborder ce sujet de manière légère et de dire qu’il serait bien qu’il n’y ait pas que deux ou trois noirs qui fassent tous les rôles en France. Il y a plein d’acteurs et d’actrices noirs, il suffit d’être curieux !

Quel est ton regard sur la diversité dans le cinéma ? 

Caroline Anglade – J’en discute avec plein d’acteurs arabes, noirs ou asiatiques et le manque de diversité dans le secteur est effectivement un vrai problème. Les rôles qu’on leur propose sont souvent toujours les mêmes et très clichés. Mais c’est dur d’en parler quand on n’en est pas soi-même victime, c’est pour ça que j’écoute beaucoup ce que dit Jean-Pascal à ce propos et que je suis contente que ce film existe. C’est une comédie donc l’idée était d’aborder ce sujet de manière légère et de dire qu’il serait bien qu’il n’y ait pas que deux ou trois noirs qui fassent tous les rôles en France. Il y a plein d’acteurs et d’actrices noirs, il suffit d’être curieux !       

Dans mon métier, on vous fait comprendre qu’être enceinte peut être un frein à votre carrière mais là, tout s’est arrêté pour tout le monde en même temps et j’en ai profité pour vivre pleinement la fin de ma grossesse, sans avoir peur d’être oubliée.

Toi qui viens juste de rentrer à Paris pour parler de ces deux films dans lesquels tu joues, comment as-tu vécu le confinement et les dernières semaines ?       

Caroline Anglade – Pour être honnête, très bien ! J’ai eu la chance d’avoir des conditions privilégiées pour ce confinement car j’étais à la campagne en Normandie avec mon chéri et mon fils de 4 ans, nous avions de l’espace et nous pouvions sortir nous aérer dans le jardin. J’étais enceinte de mon deuxième enfant (elle a accouché le 12 mai, NDLR)  et après les angoisses des premiers jours, je me suis plongée dans une bulle. Dans mon métier, on vous fait comprendre qu’être enceinte peut être un frein à votre carrière mais là, tout s’est arrêté pour tout le monde en même temps et j’en ai profité pour vivre pleinement la fin de ma grossesse, sans avoir peur d’être oubliée. Et puis cette période particulière m’a permis de me recentrer sur ma cellule familiale, on s’est retrouvé en dehors du contexte de Paris et de nos boulots avec mon amoureux et on a vécu ces semaines comme une chance de pouvoir passer du temps ensemble. Cela nous a permis de nous rendre compte que les problèmes qui pouvaient parasiter notre couple venaient en fait de l’extérieur car seuls dans notre bulle, tout allait bien.

Est-ce que cette crise sanitaire a été propice à des questionnements pour toi ?     

Caroline Anglade – Oui, sur la façon dont on prend soin du monde, comment faire pour que la planète n’implose pas. J’ai eu des angoisses, je me suis demandé dans quel monde j’allais faire naître mon deuxième enfant. C’était déjà une question que je me posais avant par rapport à la violence ou la pollution mais là, j’ai eu encore plus peur pour ce bébé et son grand frère. Et puis je me suis dit restons positifs, on renaît toujours de nos cendres et ce virus va peut-être nous avoir servi d’alerte. Il faut espérer que ce sera le début d’une nouvelle façon de voir les choses et d’un nouveau monde.  


Je me suis aussi demandé si j’avais encore envie d’habiter à Paris. J’adore cette ville mais je ne sais pas si j’ai envie de continuer à y vivre au quotidien. Cela m’a fait du bien d’utiliser ce temps pour prendre du recul et réfléchir à la vie que je voulais mener, au fait que ce qui était vraiment essentiel à mes yeux c’était la famille, passer du temps avec mes enfants et mon conjoint. Je me suis vraiment rendu compte qu’ils constituaient mon socle.     


Et je me suis également interrogée sur mon rapport à la notoriété, la façon dont je voulais continuer à faire ce métier. On en parlait beaucoup avec mon amie l’actrice Julie de Bona et on s’est dit comment va-t-on faire pour créer et transmettre des émotions pendant ce confinement ? Elle a donc eu l’idée de la pastille #Confinées sur Instagram. Cela nous a aidées à vivre cette période de façon plus légère et c’était aussi l’occasion de faire notre métier sans tout ce qui peut le parasiter, juste pour s’amuser. Plein de gens nous ont envoyé des messages pour nous dire que ces vidéos leur faisaient du bien, pari gagné !  

Quelles sont tes envies pour l’avenir ?

Caroline Anglade – Ce confinement m’a fait réaliser que je voulais plus de nature dans ma vie et celle de mes enfants, j’ai envie de les voir grandir dans une atmosphère plus sereine. Je veux profiter plus de ma famille et continuer sur ma lancée des mois à la campagne en mangeant et en consommant mieux. Concernant mon métier d’actrice, j’ai toujours autant envie d’être sur un plateau ou sur une scène : jouer m’a vraiment manqué et j’ai hâte de reprendre les tournages à la fin de l’été. Mais j’ai envie de m’amuser et de me laisser porter par les rencontres professionnelles, comme celles avec Michaël Youn et Jean-Pascal Zadi. Je n’ai pas envie de me perdre dans ce métier, dans ce qu’il représente, je veux continuer à prendre du recul. Et si je dois quitter ma famille à l’avenir, ce sera juste pour des projets qui me plaisent vraiment.  Mais j’espère ne pas me laisser happer de nouveau par le rythme de la vie et du travail, comme avec les résolutions de début d’année que l’on ne tient pas. Surtout, faisons attention à notre planète. L’avenir nous dira si cette crise nous a fait nous poser les bonnes questions et si à terme nous avons réussi à mettre en place des choses pour changer. Bref, on en reparle dans quelques mois ! Mais il faut que cette période ait eu un sens : mettons à profit ce qu’on vient de vivre.  

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