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LEGADO – L’héritage mexicain de Charlotte Duthoit

Comment un échange universitaire dans un pays lointain peut transformer un destin… C’est la belle histoire des espadrilles Legado et de leur fondatrice, Charlotte Duthoit, qu’on a (enfin) rencontrée en terrasse à la sortie du confinement. L’occasion de prendre un vol transatlantique rien qu’à l’écouter… ou en regardant ses pieds J

Pourquoi ce nom de Legado ?

« Legado » veut dire « héritage » en espagnol ; ce nom souligne le point de départ de la marque, le Mexique, et ses savoir-faire ancestraux transmis de génération en génération que j’ai à cœur de mettre en valeur à travers différentes créations.

Quel a été ton parcours avant de fonder ta marque ?

Un parcours assez classique : une école de commerce puis une première expérience en marketing chez L’Occitane. Ont suivi 4 ans en tant qu’acheteuse retail chez Hermès, entre Mexico et Paris, et c’est là que tout a commencé…

Comment as-tu découvert le Mexique et ses savoir-faire ancestraux ?

En 2005, je suis arrivée au Mexique pour un échange universitaire d’un an. J’ai eu un coup de foudre pour ce pays ! Je suis donc revenue à Lille en école de commerce uniquement pour y finir mes études, et en 2007 j’étais de retour au Mexique pour y chercher du travail. C’est là que j’ai décroché le poste de retail buyer chez Hermès, qui m’a permis non seulement de faire des aller-retours fréquents entre Paris et Mexico, mais aussi de découvrir le Mexique et ses différentes régions.

Charlotte Duthoit, fondatrice de Legado – Photo de Solenne Jakovsky pour Le Prescripteur

L’un de mes voyages m’a menée à Oaxaca, qui est l’un des Etats les plus « riches » culturellement du Sud du pays. En dehors de la ville principale du même nom, il existe beaucoup de petits villages dont les communautés sont assez isolées, et qui ont conservé leurs savoir-faire ancestraux datant d’avant la conquête du Mexique par les Espagnols !

J’avais repéré dans un musée populaire de Mexico le travail de tissage d’une famille de villageoises de l’état d’Oaxaca et je me suis mise à leur recherche.

Legado, c’est aussi une histoire de famille et de femmes, raconte-nous…

J’avais repéré dans un musée populaire de Mexico le travail de tissage d’une famille de villageoises de l’état d’Oaxaca et je me suis mise à leur recherche. C’était toute une expédition, car dans le village de Santo Tomas Jalieza où elles habitent, la numérotation des rues est très approximative (il n’y a pas de rues ni de numéros,) : on te dit « C’est la 3e maison à droite », et puis c’est tout… Ensuite elles ne sont pas là, elles sont à un mariage, on laisse un message au voisin, il faut revenir le lendemain… Mais j’ai enfin fini par les rencontrer, et j’ai eu un véritable coup de cœur pour cette communauté de femmes. Leurs maris sont souvent absents car partis tenter leur chance aux Etats-Unis.

L’une d’elles t’a particulièrement marquée…

Oui, Véronica, 28 ans, partie elle aussi aux Etats-Unis… Elle en est revenue avec beaucoup de déceptions, mais également avec un sens commercial et des facilités à communiquer, notamment via what’s app avec moi, qui font qu’elle est aujourd’hui mon relais sur place auprès des autres femmes de sa famille et de sa communauté. On s’est comprises sur une envie mutuelle de faire quelque chose de ce savoir-faire ancestral qu’elle détenait à la perfection mais qu’elle ne savait pas comment utiliser, avec l’ambition de le faire découvrir hors des frontières du Mexique. Elle a ensuite embarqué dans l’aventure ses sœurs, ses cousines, ses voisines… Aujourd’hui elle s’assure notamment que les motifs de tissage ne sont pas inversés, répartit le temps de travail entre les groupes, etc…

Quelle est cette technique de tissage si particulière qu’utilisent ces femmes ?

Contrairement au métier à pédale qui a été importé par les Espagnols, le tissage avec un métier à sangle dorsale ne permet que de produire des petites quantités car très exigeant physiquement. Il est caractéristique des populations indigènes et date de bien avant la conquête Espagnole. Au départ, il était utilisé par les communautés pour se confectionner des vêtements distinctifs. Dans ce village, ce sont les ceintures.

Je voulais associer ce tissage ancestral à un autre produit chargé d’histoire. Pour moi, l’espadrille est la chaussure d’été par excellence, pourvu qu’elle soit bien faite.

Pourquoi en avoir fait des espadrilles ?

Les ceintures qu’elles confectionnent sont très sympa à porter, mais pas faciles à assortir avec une tenue urbaine de tous les jours. J’ai donc choisi de transposer ces bandes tissées à la main sur des espadrilles pour avoir une plus grande facilité à les porter partout ! Je voulais associer ce tissage ancestral à un autre produit chargé d’histoire. Pour moi, l’espadrille est la chaussure d’été par excellence, pourvu qu’elle soit bien faite.

Pourquoi as-tu choisi l’Espagne comme pays de production ?

En France, j’ai trouvé soit de la production de masse en machine peu qualitative, soit des petits producteurs luxe que le côté « fait main » des bandes tissées effrayait… J’ai finalement déniché en Espagne l’association parfaite avec une famille de fabricants qui confectionnent des espadrilles en cuir à la main depuis des générations. Ils ont tout de suite adhéré au projet, en acceptant de travailler avec nos bandes tissées à la main, même si cela peut occasionner des variations de l’ordre du millimètre d’une chaussure à l’autre : ils ont le savoir-faire nécessaire pour gérer cela. La langue espagnole commune avec le Mexique est aussi un plus !

Les motifs de la première collection Legado suivent le thème de la nature, en as-tu d’autres déjà en tête ?

Pour cette première collection, j’ai souhaité reprendre les motifs traditionnels de cette communauté d’Oaxaca. La nature y a une grande importance, on retrouve donc les animaux de leur environnement comme le canard, le poisson et le scorpion, mais aussi un motif en référence à la danse de la plume, une danse traditionnelle qui date de la conquête espagnole du Mexique.

Je souhaite par la suite continuer l’exploration des thèmes clés pour ces communautés, mais peut-être en utilisant d’autres techniques, notamment la broderie…

Même si la crise du COVID m’a affectée comme tous les jeunes créateurs, elle m’a également renforcée dans mon choix d’un modèle plus lent, avec comme point de départ l’espadrille d’été, pour ensuite développer une autre saison avec un autre produit et pourquoi pas une autre technique.

Tu insistes sur l’importance du temps dans le processus de création et de réalisation du projet. Comment arrives-tu à concilier cette exigence avec les rythmes ultra-rapides de la mode ?

Mon objectif premier est de mettre en valeur un savoir-faire ancestral et les artisans qui le perpétuent grâce à un produit, et non l’inverse. Ces techniques anciennes impliquent des délais de production et de transport qui sont loin du rythme effréné de la mode ces dernières années.

Même si la crise du COVID m’a affectée comme tous les jeunes créateurs, elle m’a également renforcée dans mon choix d’un modèle plus lent, avec comme point de départ l’espadrille d’été, pour ensuite développer une autre saison avec un autre produit et pourquoi pas une autre technique.

Est-ce qu’on peut dire que Legado est une marque consciente ?

Plusieurs clients m’ont déjà demandé si j’utilisais des cuirs vegan. Dans mon expérience, je n’ai encore rencontré aucune matière végétale qui réponde pleinement aux exigences de fabrication artisanale qui constituent le cœur de mon projet. Par contre, je reste attentive et curieuse de toutes les nouveautés en la matière, notamment le cuir d’ananas qui semble une piste prometteuse.

Pour l’instant, je me concentre sur le « fait main » avec l’objectif de remettre les matières et les savoir-faire dans les mains des artisans auxquels ils appartiennent, loin des usines de production de masse qu’on trouve en Chine et en Inde.  Cela explique les prix pratiqués (120€ pour une paire d’espadrilles) mais également ma démarche lente et sourcée pour Legado ; je ne veux pas m’éparpiller !

Quels sont les projets à venir pour la marque ?

En dehors de notre e-shop, Legado est déjà distribuée à Nantes (Maca Place) et dans une galerie-boutique assez exceptionnelle nichée au cœur d’un château en Normandie (Galerie Adrienne Desbiolles). Les projets de collaborations de ce printemps ont été annulés à cause du COVID-19, mais la marque intègrera partir du 15 juillet le pop-up Kilometre Paris d’Alexandra Senes (31 rue Malar, 75007). Je continuerai dans le même temps à travailler sur la prochaine collection… Avec en tête de l’optimisme et des nouveaux horizons !

Pour en savoir plus sur Legado : c’est ici !

Instagram@legado.shop

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duthoit
duthoit
3 années il y a

super article on a trop envie de découvrir toute la collection de legado-shop

Marie
Marie
4 années il y a

Ces espadrilles sont superbes ! Comment se les procurer ? Combien coûtent elles ?

duthoit
duthoit
3 années il y a
Répondre à  Marie

on peut les trouver sur legado-shop