Ravissement, nom masculin, 1. fait d’être ravi, transporté au ciel, 2. action de ravir, d’enlever de force… Premier long métrage de la réalisatrice française Iris Kaltenbäck, « Le ravissement » raconte l’histoire de Lydia, sage-femme incarnée par Hafsia Herzi, qui sombre dans un mensonge pour conquérir le cœur de Milos, interprété par Alexis Manenti. Présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2023, et coup de coeur du Prescripteur, ce film inspiré de faits réels brosse surtout le portrait d’une femme prête à tout pour assouvir son cruel manque d’amour… Hafsia nous raconte les coulisses du tournage…
Comment t’es-tu retrouvée avec le scénario du « Ravissement » d’Iris Kaltenbäck entre les mains ?
C’était l’été dernier, je venais de finir de tourner le film « Borgo » de Stéphane Demoustier où je jouais une surveillante de prison. Je m’étais replongée dans l’écriture, car c’est toujours ce que je fais entre deux tournages. Mon agent m’a appelée pour me parler du scénario d’Iris car il avait eu un coup de cœur, il voulait absolument que je le lise. Même si ce n’était pas prévu que je me lance dans un nouveau tournage, son enthousiasme a attisé ma curiosité… Et le scénario m’a plu tout de suite. J’ai rencontré Iris par Skype dans un premier temps, puis on s’est vues sur Paris et tout s’est enchaîné : essayages, costumes, immersion en maternité…
Iris voulait que le film ait aussi une dimension documentaire sur la profession des sages-femmes : pour la préparation de mon rôle, il fallait que je sois crédible, j’ai fait un stage en maternité avec des horaires de sages-femmes, jour et nuit.
Hafsia Herzi, à l’affiche du Ravissement d’Iris Kaltenbäck
J’ai beaucoup discuté avec les sages-femmes, c’est un métier très difficile, très physique. Ca m’a permis de comprendre la fatigue de mon personnage.
Tu incarnes effectivement une sage-femme et les scènes à l’hôpital révèlent de vraies scènes d’accouchement, comment s’est déroulé le tournage de ce type de scène imprévisibles ?
C’est effectivement ce que Iris voulait : montrer le vrai quotidien des sages-femmes.
L’accouchement que l’ont voit dans le film est bien un vrai accouchement, la mère était d’accord pour être filmée.
Hafsia Herzi, à l’affiche du Ravissement d’Iris Kaltenbäck
90% des mamans sur place étaient ok pour qu’on les filme d’ailleurs. Mais il faut savoir qu’un accouchement ne se prévoit pas ! Alors on restait dans les parages, pour être prêts quand le bon moment se présenterait. J’ai été entourée par l’équipe médicale, toutes les scènes d’accouchement sont réelles, seul l’accouchement de la meilleure amie de Lydia est faux bien sûr.
On te voit donner naissance à un nourrisson, comment as-tu vécu ce moment si puissant ?
J’ai vu plusieurs accouchements, j’ai vu beaucoup de femmes souffrir, pousser…
Pour l’accouchement que l’on voit dans le film, j’étais presque à la limite du malaise, c’était très impressionnant ! Certains disent que c’est incroyable d’assister à ce genre d’événement d’aussi près, moi je vais être très honnête : ça m’a presque choquée ! (rires)
Hafsia Herzi, à l’affiche du Ravissement d’Iris Kaltenbäck
Par la suite, on me voit habiller un nourrisson qui vient effectivement de naître… Ce tournage a été très fort en émotions.
Le tournage à l’hôpital a dû se faire dans l’urgence constamment ?
Tout était un peu dans l’urgence, il fallait être discret, ne pas trop déranger, car il s’agit d’un moment délicat et en même temps on avait un film à réaliser. Les sages-femmes et les patientes ont accepté notre présence, les femmes ont accepté que je touche leur ventre, que je réalise certains gestes… Dans la salle d’accouchement par exemple, j’étais entourée de personnel soignant, et uniquement de la cheffe opératrice et de la preneuse de son ! Iris était à l’extérieure avec la script. Elle transmettait des info par oreillettes… J’ai beaucoup proposé et improvisé dans ces scènes où il était difficile de faire plusieurs prises !
Qu’as-tu particulièrement aimé dans la façon de travailler d’Iris ?
J’ai eu un coup de coeur pour son scénario mais aussi pour la réalisatrice : humainement c’est essentiel, d’autant plus que je savais que le film avait peu de financement et qu’il y aurait peu de préparation. Iris parle avec beaucoup d’intelligence de son film, c’est ce qui m’a séduit. J’aime beaucoup ses références cinématographiques : elle a mentionné Maurice Pialat, Jean-Bernard Marlin… J’étais sur la même longueur d’onde. Et en tant que réalisatrice, elle nous a laissé expérimenter, elle n’était pas à la virgule près ! On pouvait proposer des choses.
Iris n’avait pas peur qu’on s’approprie le texte, ce qui est très rare et précieux pour un premier film.
Hafsia Herzi, à l’affiche du Ravissement d’Iris Kaltenbäck
« Le Ravissement » raconte l’histoire d’un gros mensonge qui ne peut qu’éclater au grand jour, ce qui met le spectateur dans une position de tension permanente : as-tu compris la psychologie de ton personnage ? Pourquoi Lydia s’enfonce à ce point dans ce mensonge ?
J’ai tout de suite été en empathie avec elle. Lydia m’a touchée. Elle a envie d’amour… Elle est seule, elle vient de se faire larguer, elle aimerait être mère, elle voit des couples heureux tous les jours qui vivent la naissance de leur bébé à l’hôpital, et tout cela la ramène à sa propre solitude.
Hafsia Herzi, à l’affiche du Ravissement d’Iris Kaltenbäck
Et puis on peut tous être amenés à mentir. Certains vont plus loin et s’enfoncent dans le mensonge. C’est le cas de Lydia qui, je pense, ne sait même plus pourquoi elle ment.
Pour toi, Lydia est mentalement malade ?
Il y a tout de même un mal-être chez elle, oui. Elle a un problème psychologique, qu’elle oublie dans son travail, car elle est très professionnelle et très accaparée. Mais dans sa vie personnelle, tout cela la rattrape. J’essaie d’ailleurs à la fin de composer quelque chose autour de la dépression.
Ton partenaire à l’écran est Alexis Manenti : vous connaissiez-vous déjà ?
Non ! Je l’ai rencontré en répétition, même si je connaissais déjà son travail On s’est tout de suite entendus ! C’est quelqu’un de très perfectionniste et j’ai beaucoup aimé jouer en totale liberté avec lui.
Le titre du film « Le Ravissement » est à double-sens. Qu’est-ce qu’il t’évoque ?
J’ai trouvé le titre très joli ! C’est un joli mot… qui cache aussi un double sens ! Le ravissement c’est la joie des naissances, mais aussi l’enlèvement… Qu’est ce que cela veut dire finalement ? C’est toute la question.
Que dirais-tu pour convaincre les lectrices d’aller le voir en salle ?
Franchement, c’est un beau film sur les rapports humains, la maternité… Les images sont belles, la mise en scène prend des risques, c’est un premier long-métrage… Ceux qui aiment le cinéma doivent le voir ! (rires)