Charlotte Lemay, mannequin, féministe et écolo a fait de son compte instagram @chamellow une vitrine de l’écologie positive et désirable ! Convaincue que le futur de l’influence doit s’écrire autrement, elle fonde en 2021 son association Aware Collective pour faire prendre conscience aux influenceur.ses de leur rôle crucial dans le partage de messages positifs et inspirants autour de l’écologie. Elle a publié cette année, en duo avec Camille, sa soeur journaliste, un guide éclairant Infleunceur.se Engagé.e, et si toi aussi tu utilisais les réseaux tout en préservant la planète ? aux éditions jouvence. Un ouvrage à lire pour celleux qui souhaitent donner un autre visage à leur création de contenu…
Charlotte Lemay, tu confies avoir fait un burn out à 23 ans qui t’a poussée à questionner ton mode de vie, peux-tu nous parler de cette période difficile et salvatrice pour toi ?
Oui, ce burn out est arrivé à un moment de ma vie où je n’arrivais plus à gérer mes études (double master de droit et d’histoire de l’art), mon travail (je suis mannequin depuis mes 17 ans) et ma vie personnelle. Je pense qu’à vouloir être parfait sur tous les plans (étude, métier, vie perso), j’ai complètement craqué.
Je n’arrivais même plus à lire ! Mais étonnamment, je n’étais pas triste, j’étais comme dans un brouillard épais. Et les seules choses qui me faisaient du bien, c’est la peinture. J’ai dessiné, j’ai écrit… Je tenais une sorte de « journal intime de bord » dans lequel j’écrivais tous les jours les évolutions. Cela m’a permis d’extérioriser. Ce qui m’a sauvée, c’est l’amour de mes proches et leur patience.
Pendant ce parcours de guérison, j’ai beaucoup interrogé mon mode de vie : le mannequinat me posait vraiment souci car je n’avais aucun contrôle sur les marques avec lesquelles je travaillais, je ne pouvais pas choisir le mode de transport pour me rendre aux shootings, je prenais donc souvent l’avion… En parallèle, j’ai cherché des modèles d’influenceurs qui comme moi avaient une vitrine, mais l’utilisaient pour rendre l’écologie désirable.
A l’époque, étais-tu déjà toi-même sur les réseaux sociaux ?
Je n’étais pas encore beaucoup sur les réseaux, j’avais un Instagram mais j’y postais le minimum en tant que mannequin car j’avais conscience que c’était une vitrine pour mon travail. Je n’avais pas l’ambition de faire de l’influence un métier à l’époque. En 2018, j’ai décidé de créer un blog, Coco Cactus : cela faisait longtemps que l’idée de créer un média qui rend l’écologie sexy en réunissant des marques responsables me trottait dans la tête. J’en ai évidemment parlé à ma sœur Camille, journaliste, autrice et copywriter, et on s’est lancées ensemble. C’est à partir du blog (qui n’est plus alimenté aujourd’hui) que j’ai commencé à vraiment utiliser les réseaux sociaux pour parler écologie.
On peut penser qu’écologie et influence sont antinomiques : toi tu réponds que non !
Non, ce n’est pas une fatalité, même si ce n’est pas tous les jours faciles de faire comprendre aux marques mes engagements.
Charlotte Lemay – Crédit photo Lucie SassiaT
Pour concrétiser ton engagement, tu as fondé en 2021 ton association Aware Collective, quelle est sa mission ?
Encourager et sensibiliser les influenceur·ses à la cause écologique !
Il faut essayer de mettre notre audience au service des nobles causes. En ce sens, l’association organise des journées de sensibilisation à Paris qui réunit des dizaines de créateurs et créatrices de contenus et des voyages thématiques accessibles en train (mode écoresponsable au coeur des Cévennes, ou encore le vin face au changement climatique en Provence…).
La réponse est qu’ils ont peur.
Tu as justement identifié 4 peurs qui expliquent en partie pourquoi les influenceurs parlent si peu d’écologie sur les réseaux : peux-tu nous les expliquer ?
C’est aux prémices d’Aware Collective que j’ai identifié ces 4 peurs :
- Peur de la critique : une chose est sûre, plus l’audience grandit, plus les critiques sont certaines. Le savoir, c’est s’y préparer. Je partage dans le livre des conseils pour essayer de les minimiser : il y a des façons « soft » de parler d’écologie. On peut par exemple éviter d’employer ce terme étrangement clivant…
- Peur de manquer de légitimité : l’écologie s’en remet énormément au champ scientifique, c’est vrai. Cela nécessite de se renseigner, de lire des livres d’écologie… Mais plus que jamais, on a besoin de toutes les voix ! Trop d’imbéciles s’expriment sans rien savoir.
- La peur d’être isolé, d’être seul dans cette démarche : quand on passe à l’action, on peut se sentir seul mais les choses bougent. Meta a par exemple organisé des journées de sensibilisation avec des fresques pour le climat… Il ne faut pas avoir peur de se lancer, et de chercher à faire groupe pour créer un mouvement !
- La peur d’une perte de revenus
Justement, devenir influenceur.se engagé.e, est-ce aussi accepter de gagner moins qu’un influenceur classique ?
Sur le court terme, oui : il faut faire des sacrifices, refuser des collaborations, prendre des risques. Mais je suis convaincue que sur le long terme, c’est ce que demandent les internautes et ce que recherchent les marques. Ce qui est plus délicat, c’est lorsqu’on est approché par des associations justement car nous sommes engagées : elles ont rarement du budget. J’ai travaillé gratuitement au début, mais c’est délicat aujourd’hui car je dois gagner ma vie.
Ton engagement a pris cette année la forme d’un livre co-écrit avec ta sœur Camille : Influenceur·se engagé·e, et si toi aussi tu utilisais les réseaux tout en préservant la planète ? (éditions Jouvence). A qui s’adresse-t-il ?
A toutes celles et ceux qui souhaitent utiliser le pouvoir des réseaux sociaux pour avoir un impact positif sur l’environnement et adopter un mode de vie plus responsable !
Charlotte Lemay – Crédit photo Lucie Sassiat
Tu lèves aussi le voile sur le métier d’influenceur.se : c’est quoi la réalité d’un créateur de contenus ?
Les influenceurs ont subi une mauvaise presse avec l’affaire des « influvoleurs » dénoncé par Booba en 2022 et qui visait les activités de drop shipping de la société de Magali Berdah. Suite à cela, pour la première fois en France, des influenceur·ses on été poursuivi·es pour « escroquerie en bande organisée ».
J’ai trouvé que le métier de créateur de contenu était très peu défini. C’est une sorte de mystère qui déchaîne les passions et on a voulu, avec Camille, en montrer les coulisses.
La réalité, c’est que c’est un métier où il faut avoir de nombreuses casquettes : directeur artistique, make up artist, chef opérateur, vidéaste, styliste, RP, pigiste, community manager… C’est une vraie grammaire !
Camille écrit beaucoup de mes captions pour les marques : il est impossible d’avoir toutes les qualités et d’être excellent dans tout ! Les influenceurs sont presque devenus des médias, et avec cette responsabilité, il faut savoir bien s’entourer et demander de l’aide. Le livre donne quelques clefs à ce sujet.
Charlotte Lemay, que penses-tu de ces comptes comme @payetoninfluence qui épinglent les influenceurs qui font l’apologie de projets/modes de vie écocides ?
Je trouve qu’on a besoin de ces comptes : il faut la carotte et le bâton ! On a besoin d’eux pour réveiller les gens. Je pense notamment au compte @bonpote que j’aime beaucoup, qui dénonce les comportements et promotions écocides sur les réseaux, mais il faut également attention à ne pas inciter au harcèlement et à la haine… C’est difficile de trouver le juste milieu.
A ton avis, que pourrait faire l’Etat pour aller plus loin dans la législation de l’influence ?
Il a un projet de loi en cours sur l’interdiction de promotion des marques d’ultra fast fashion et c’est un très bon début.
Tu en parlais plus haut, en tant qu’influenceur.se engagé, il y a le risque d’être attaqué sur son propre mode de vie avec cette pression de la pureté militante. Comment réagis-tu à cela ?
Le problème de la pureté militante, cette injonction à avoir un comportement parfait dans certains cercles militants est aussi présente dans le féminisme. Au début, c’était difficile pour moi d’y répondre, j’étais désarmée.
Et puis aujourd’hui je suis en paix avec mes choix, je crois qu’il faut être sûr de soi, conscient de ne pas être parfait mais de faire de son mieux.
Ce livre est aussi une aventure de sœurs : comment avez-vous travaillé ensemble sur ce projet ?
Camille Lemay et Charlotte Lemay
Charlotte – Malgré nos 7 ans d’écart, j’étais son bébé kangourou, toujours dans sa poche ! On a toujours été très fusionnelles. On s’est toujours dit qu’on ferait des projets ensemble et ce n’est que le début. C’est assez inexplicable.
Camille – On est très complémentaires, et cela s’est décidé dès le départ de travailler ensemble. Lorsque Charlotte a été approché pour écrire un livre sur son parcours, elle ne voulait pas le faire. Je l’ai eue au téléphone et je lui ai dit : « Ca va pas, on le fait ensemble ! ».
Charlotte – Camille a une facilité pour écrire ! Pour donner vie au livre, j’écrivais le fond de façon moche, et Camille était là rendre tout cela joli. Je n’aurais pas pu faire ce projet avec quelqu’un d’autre : personne ne me connaît aussi bien qu’elle.