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Mélissende : « La voix est l’instrument le plus vecteur d’émotions »

J’ai découvert Mélissende grâce à Flore Benguigui dont elle est l’amie ! Toutes les deux avaient répondu à notre interview  » Soeurs de son » sortie l’été dernier et depuis, l’idée me trottait dans la tête d’en savoir plus sur cette artiste touchante, à l’univers mélancolique et réconfortant que j’aime tant. Lors de notre échange, j’ai appris que Mélissende s’appelle vraiment Mélissende, du nom d’une fée dans une légende celte ; qu’elle s’est longtemps cachée pour chanter seule sans que personne ne l’entende ; que c’est Philippe Zdar qui lui a dit de se lancer (après l’avoir rencontrée dans une boutique de thé où Mélissende travaillait) ; qu’elle aime se coucher tôt et est persuadée d’avoir un vieux sage qui vit à l’intérieur d’elle ; qu’elle intervient dans les hôpitaux pour transmettre la musique aux enfants malades et handicapés. Bref, une rencontre avec une belle personne que je vous invite à découvrir et à ajouter à votre playlist de fin d’année !

Crédit photo de couverture – Capucine de Chocqueuse

Mélissende, c’est ton *vrai* prénom ?

Oui, c’est mon prénom ! Mon grand-père avait ce trouvé ce nom dans un livre qui parlait des légendes celtes. C’était une fée et ça a beaucoup plu à mes parents !

La musique a été un coup de foudre immédiat ou un amour progressif ?

Disons que cela se rapproche du coup de foudre !

J’ai abordé la musique d’abord avec la voix car je chante depuis toute petite. Et pendant longtemps, c’était mon secret. Quand j’étais adolescente, je fermais à clef la porte de ma chambre par peur qu’on m’entende.

mélissende

J’ai beaucoup chanté seule, en balade, c’était une relation très forte. Et puis progressivement j’ai demandé à apprendre la musique par le piano notamment.

Comment expliques-tu qu’à l’époque tu voulais garder secret ton amour pour le chant ?

Je viens d’une famille avec beaucoup d’artistes : mes deux grands-parents sont de grands auteurs. Ma grand-mère était autrice de pièces de théâtre qu’elle mettait en scène et mon grand-père auteur de romans et de bandes dessinées. Je pense que j’avais envie de construire ma petite bulle et éviter le terrain de la comparaison. Au début, je n’écrivais pas en français par pudeur je crois et aussi par crainte : que vont-ils en penser, eux qui manient si bien la langue ? J’ai voulu me défaire de tout ça car je sentais que j’avais quelque chose et je voulais attendre d’être à l’aise avec ce que j’allais proposer avant d’en parler. J’ai mis du temps à trouver mes propres mots. La musique était comme mon ami imaginaire.

Tu as en revanche su dès le départ que tu voulais vivre de la musique ?

Je suis tombée dans la marmite toute petite ! J’ai eu cette chance de ne jamais trop me poser la question : j’étais sur scène très jeune grâce à ma grand-mère qui me donnait des rôles de figuration. Personne ne faisait de la musique dans ma famille mais on pouvait vivre – modestement – de son art. Même si j’ai grandi dans une famille très modeste, c’était possible de vivre de sa profession artistique.

Crédit photo – Manou Milon

« Tenir Droit » est ton tout premier EP sorti en 2019. Qu’est-ce qui t’a fait passer le cap ?

Une rencontre déterminante. A l’époque, je travaillais dans une boutique de thé et je faisais de la musique en milieu hospitalier : un jour un producteur de musique est rentré dans la boutique, c’était Philippe Zdar. Je lui ai fait écouter mes premières chansons montées sur GarageBand et il a trouvé ça c’est beau ! Il m’a proposé qu’on enregistre ensemble.

Ce premier EP a surtout une dimension symbolique parce que c’est Philippe Zdar qui m’a dit de croire en ma musique, alors que j’étais très hésitante.

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On s’est installé dans son studio, on a enregistré les chansons ensemble. C’est un EP inachevé car il est décédé d’un accident très peu de temps après. C’est donc resté du piano voix live. Je les ai tout de même sorties pour moi, pour me donner de l’élan et me dire que cette rencontre avait déterminé quelque chose dans ma vie. J’ai voulu garder ce qu’il y avait de beau dans cette rencontre.


Tu as sorti un single en 2022 : « Que les rêves ». Qu’est-ce qu’il symbolise pour toi ?

Mon indépendance. Je l’ai entièrement autoproduit car juste avant que je fasse cette chanson, j’avais rencontré une équipe d’hommes producteur avec qui cela s’était très mal passé. J’avais décidé de reprendre mes compos sous le bras, d’aller au bout de mes idées dans une safe zone de création.


Cette année, tu as révélé le titre « Rien ne se passe » qui annonce la sortie prochaine d’un nouvel EP. Que raconte ce titre ?

Je voulais que ce titre soit une sensation de parenthèse, ce qui est très proche de ce que je suis.

J’ai énormément besoin de ça dans ma vie : ralentir et que rien ne se passe. Je suis quelqu’un qui est beaucoup dans la contemplation, ça me relaxe énormément.

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Quand il ne se passe rien, ce n’est pas forcément très joyeux, mais il n’y a pas de drame non plus, c’est neutre ! Et c’est cool aussi de ne pas être en permanence dans des montagnes russes émotionnelles. Ce sont des sensations que j’essaie de saisir le plus possible.


Comment définirais-tu ta signature sonore ?

Je dirais folk et peut-être même les folks américaines des années 70, style Niel Young ? Des balades un peu lentes, une sorte de mélancolie joyeuse. Quelque chose de simplement réconfortant.

Tu mets la voix au centre de tes créations musicales. Pourquoi ?

C’est une volonté, une démarche artistique de ma part. Je pense que c’est une force.

La voix est l’instrument le plus vecteur d’émotions. C’est ce que j’aime dans la musique, autant quand je la compose que lorsque je l’écoute : il n’y a rien de plus fort que la voix.

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Et c’est ma démarche lors de mes interventions en milieu hospitalier : je n’utilise que ma voix. Je suis touchée par ce que je peux observer.

Cette approche de la musique par la voix seule ramène à quelque chose d’ancestrale, à notre maman qui nous chantait des chansons plus petites.

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Parle-nous justement de tes interventions en hôpital : cela fait 10 ans qui tu es musicienne intervenante. Tu partages parfois sur les réseaux sociaux l’image de patients autistes touchés par ta musique. En quoi cela consiste exactement ?

Je me suis formée en 2014.

Depuis 10 ans, je suis musicienne intervenante dans le milieu hospitalier et dans le milieu du handicap. Il ne s’agit pas d’organiser un concert, ni de proposer des thérapies par la musique : l’idée est de faire rentrer la musique à l’hôpital, de la transmettre.

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C’est toujours en partenariat avec un service de l’hôpital : on va proposer de faire de la musique en déambulaire.

Je vais donc chanter dans le couloir, chanter en chambre, faire de la musique au chevet. Je peux aussi convier les parents des enfants malades. C’est se laisser aller à ce que l’on ressent. C’est aussi répondre à un devoir culturel : des enfants ont des maladies longues et restent des années dans des centres sans avoir accès à la culture alors que cela fait partie des droits de l’enfant.

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Apporter de la musique dans ces endroits-là, c’est remettre de l’humanité. On fait aussi de la transmission car parfois on forme le personnel médical pour qu’ils utilisent la musique dans leur soin.

L’idée c’est d’être au service de l’autre, et c’est une façon nouvelle de faire de la musique. Je dois m’adapter sans cesse, notamment avec les enfants autistes : leur attention est particulière.

Si j’entends un enfant autiste chanter une chanson que j’ai pourtant chanté il y a 10 minutes, je vais arrêter ce que je suis en train de faire pour rentrer en communication avec lui. C’est créer du lien.

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As-tu un souvenir indélébile avec un patient ?

J’ai plein de souvenirs… Je sais qu’une fois j’ai été très touchée car j’ai rencontrée une adolescente dans un service psy et je l’ai retrouvée dans un autre hôpital par la suite. Elle se souvenait de moi. Elle est venue me voir et m’a dit « Quand tu es venue, ça m’a fait beaucoup de bien et depuis j’ai appris le ukulélé, et je prends des cours de chant ». Dans sa vie à elle, mon intervention a été une ouverture vers la musique.

Flore Benguigui, ton amie, dit de toi que l’une de tes principales qualités est ta grande sagesse. Pourquoi à ton avis ?

Déjà parce que je suis capricorne ! (rires) Je pense que Flore pense ça de moi car dans notre dynamique à toutes les deux, c’est souvent moi qui aie des tirades de vieille personne.

Je pense sérieusement avoir une vieille personne à l’intérieur de moi avec un vécu.

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Tu as fait les premières parties de Barbara Pravi. Comment vous êtes-vous rencontrées ?

On s’est rencontrées grâce à ces dates et c’est une très belle rencontre. Les gens avec qui elle s’entoure sont formidables, je suis accueillie. Barbara est quelqu’une de très généreuse dans sa façon d’accueillir les gens et je ne pouvais pas rêver meilleures conditions pour des premières parties.

Quand est-ce qu’on pourra écouter ton nouvel EP ?

Il est terminé et il arrive ! Je dévoile un deuxième titre en janvier et un autre d’ici le printemps…

En attendant, découvrez l’univers musical de Mélissende

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