Vous l’attendiez, elle est de retour : la nouvelle érotique de l’été à dévorer sous le parasol, sous vos draps ou à l’abri d’un arbre… que vous soyez en vacances ou au bureau ! Cette année encore, l’auteur Fabien Muller (qu’on adore) revient avec une nouvelle exclusive en 7 chapitres ultra courts écrite spécialement pour vous . Prête à découvrir « La cambrioleuse délicate » ?
Pour celles qui auraient manqué les premiers chapitres…
Chapitre 1 – à lire ici
Chapitre 2 – à lire ici
Chapitre 3 – à lire ici
Chapitre 4
Illustrations @pimentmartin
Mon état commençait à inquiéter mon meilleur ami, Paul, qui venait de passer une tête – ainsi que le reste du corps – et était rentré sans frapper, faute de trouver la matière adéquate pour accueillir son poing.
Il me dévisagea profondément, avec l’air inspiré d’un homme politique se réveillant d’une sieste sur les bancs de l’assemblée.
– Tu ne peux pas continuer comme ça Edouard… regarde ton appartement…
J’ai oublié de préciser que je m’appelle Edouard, mais notons que cela n’avait gêné personne jusque-là.
– Comment ça ? me défendis-je avec la mollesse d’une huître en pleine séance d’UV.
– Traîner dans les parfumeries et au rayon gel douche des supermarchés… Renifler comme un abruti toute la journée… Tu fais de la peine. Quand est-ce que tu te mets à rechercher un taf d’ailleurs ?
C’est que je ne vous ai pas tout dit non plus concernant mon existence qui avait subi divers rebondissements : il m’arrivait parfois – je l’avoue – de perdre pied un peu plus que d’habitude et de chercher la nuance exacte de parfum que ma cambrioleuse avait laissée là. Il se trouve aussi que je venais de me faire virer de mon boulot (qui me prenait trop de temps ceci dit, supprimant des heures de mon agenda que j’aurais pu employer à meilleure essence).
Mais tout de même : prendre des leçons de vie de Paul, c’était un poil fort de café. Car question trajectoire, sa propre existence s’apparentait plus à une voie sans issue qu’à une piste de l’aéroport d’Orly. Sans parler du fait qu’il avait une façon de s’habiller aussi ringarde qu’un charleston de fin de soirée et que son sex appeal se battait en duel avec celui d’une tranche de jambon avarié.
Je notai toutefois dans les yeux de mon ami – car cela restait mon ami malgré tous ses défauts et malgré la qualité de mon sens de l’observation – une sorte d’amertume lasse. Comment lui expliquer que cette recherche qui me hantait avait rebranché mon alimentation générale ? Je n’étais plus le même et il ne s’en rendait même pas compte (et ça s’appelle un ami).
– Ça ne peut pas durer, conclut Paul de manière sentencieuse.
Je ne sais pas si c’est du fait de cette manière (sentencieuse) qu’il a eu de s’exprimer ou par un autre mécanisme que je ne saurais expliquer (une allergie à la franchise, peut-être), cependant, Paul m’avait convaincu.
Il fallait que je fasse quelque chose : il fallait que je la retrouve. Tout simplement.
Evidemment, j’aurais pu simplement me perdre dans les courbes d’une conquête, dans l’ivresse d’une nuit partagée et sans sommeil, mais mon obsession était autre.
Eplucher les faits divers de la presse locale afin de voir si ma petite cambrioleuse avait récidivé devint mon activité quotidienne. Je compulsais ligne après ligne les choses les plus anecdotiques, m’émerveillant des lanceurs de chat amateurs et des presqu’électrocutés. Je rentrai tout cela dans le seul compagnon que je supportais encore : mon ordinateur. Je construisais une sorte de base de données des événements insignifiants en notant tous les éléments qui me paraissaient dignes d’intérêt. L’immensité de la tâche ne m’effrayait même pas. Pire : elle me motivait. Tel un escaladeur de la data, je me ruais sur les pentes de l’anodin. Cela devint mon unique quête.
… mais cela ne dura qu’un temps. On n’avait pas encore inventé l’économe à feuilles de choux et je fus vite épuisé par l’épluchage de la presse quotidienne.
Je rédigeai alors une petite annonce à destination d’un quotidien pour âmes désœuvrées.
« Vous êtes entrée par effraction délicate dans ma vie en laissant planer une odeur d’amande douce. Et depuis, je n’attends qu’un signe de vous. Répondez dans ce journal en police Calibri 13, afin que je sache que c’est bien vous (ou Verdana, à la rigueur) ».
C’était totalement absurde et légèrement guimauve, mais sur le moment j’eus l’impression que c’était d’une pertinence rare.
Le destin vint alors frapper à mon absence de porte un jeudi sous la forme d’un nouveau cambriolage un peu moins subtil cette fois-ci : mon appartement fut vidé et les dernières traces de son parfum envolées. Il ne me restait plus que quelques habits, un ordinateur portable (que, par chance, je portais au moment où le drame se noua) et un immense sentiment d’indigence entre les deux esgourdes.
Je fis en conséquence ce que tout homme en détresse aurait fait à ma place : j’allai porter plainte.