Dans son premier ouvrage dont le titre « Présentes » dénonce paradoxalement l’absence des femmes dans les espaces d’expression et de décision de la société, la journaliste et activiste Lauren Bastide livre une réflexion exhaustive, excellemment documentée et puissamment engagée. A lire absolument !
Où sont les femmes ?
Dans « Présentes », Lauren Bastide passe au peigne fin les espaces publics géographiques et symboliques dont les médias, l’économie, le cinéma, la politique… Avec le même constat à l’arrivée : les femmes y sont sous-représentées, et particulièrement les femmes racisées, handicapées et LGBTQIA (lesbienne gay bi trans queer intersexe asexuel).
Les deux grandes raisons de cette sous-représentation ont été mises à jour depuis longtemps, notamment par Virginia Woolf dans Une chambre à soi (1929) : la charge mentale domestique couplée à la précarité économique empêchent la plupart des femmes d’accéder à des places de responsabilité, et donc de visibilité et d’audience élargies.
Les conséquences de cette invisibilité des femmes ? Un grand nombre de préjugés solidement vissés que Lauren Bastide déboulonne un à un, notamment sur le voile, les violences faites aux femmes dans l’espace public et privé, l’accouchement…
La révolution de la parole
Le changement de l’ordre (patriarcal) des choses tient selon Lauren Bastide à un petit pronom qui pourtant devrait nous rendre toutes plus grandes : le « je ». En prenant la parole à la première personne, chaque femme pourra se réapproprier son espace de parole, et donc ses espaces de vie, en se racontant telle qu’elle est et non pas telle qu’on la souhaite.
Une révolution puissante dont les munitions sont les mots, l’arme fatale l’humour et sa distance. « Présentes » en est un bel exemple, dont on attend la suite en pages ou en collages avec impatience, notamment sur la question des quotas et les autres propositions concrètes amorcées dans ce premier essai.
Morceaux choisis
« Le débat devrait pourtant pouvoir se résumer en une phrase : les femmes s’habillent comme elles veulent. Point. Elles font ce qu’elles veulent. Et présupposer que le voile que portent certaines femmes musulmanes leur a été mis de force sur la tête par un horrible barbu revient à une forme tellement élémentaire de racisme que je n’ai même pas envie de prendre le temps de développer ce point. »
(p.72)
« Les jeunes mères découvrent les conséquences physiologiques de l’accouchement au moment où elles sont le plus fragilisées. Rien ne les y prépare, car un tabou culturel persistant pèse sur ce moment que les célébrités dans les magazines, tout comme la plupart des mères et des grands-mères, ne s’autorisent pas à décrire autrement que comme « le plus beau jour de leur vie ». »
(p.171)
« C’est tout bonnement hallucinant de réaliser à quel point ce qui concerne le corps des femmes a été silencié au fil de l’histoire de la science. Vous vous rendez compte qu’il a fallu que j’attende d’avoir 35 ans pour savoir à quoi exactement ressemblait mon clitoris ? »
(p.171)
« Je veux vivre dans un monde où le « je » d’Olga Mansang Muhong (l’une des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles qui s’étaient mises en grève pour dénoncer leurs conditions de travail en août 2019 ndlr) a autant de poids que le « je » d’Adèle Haenel. Et pour cela je ne vois qu’une solution : encore et sans relâche faire entendre les récits des femmes, de toutes les femmes. Aucune théorie, aucun chiffre, ne peut remplacer ces récits. »
(p.199)
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Et pour en savoir plus sur Lauren Bastide :
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