Olympe n’est pas un sac comme les autres. Imaginé par Rive Droite Paris et Sarah Barukh, autrice de l’ouvrage 125 et des Milliers, ce sac aide les femmes victimes de violences conjugales à préparer leur fuite. Grâce à son double fond zippé, il permet à celle qui se sent en danger et qui envisage de fuir son foyer d’y ranger secrètement ses affaires de première nécessité. Parce que les femmes victimes de violences sont particulièrement menacées en période de vacances estivales, le sac Olympe vient d’être mis en ligne sur le site en attendant d’étendre ses points de distribution. Yasmine, co-fondatrice de Rive Droite Paris, revient sur la naissance de ce projet engagé.
Yasmine, avant de créer le sac Olympe avec Sarah Barukh, tu as participé à son livre : 125 et des Milliers ? Qu’est-ce qui te lie à ce projet et à l’histoire de Sarah ?
Sarah était une amie du collège. On s’était perdues de vue et puis un jour, je passais en bus Boulevard Saint germain (j’étais de passage à Paris, j’habite depuis 13 ans au Maroc), et j’ai vu par hasard une séance de dédicace en cours de mon amie d’enfance ! Sarah est autrice de romans, nous avons renoué à ce moment-là.
Et puis je ne sais plus par la suite comment je l’ai appris, mais c’était en plein confinement :
Quelques temps après sa fuite, elle m’a envoyé un mail en me disant : je vais te demander quelque chose que tu n’as pas le droit de refuser. C’était de participer à son livre 125 et des Milliers : Sarah a enquêté sur 125 féminicides, elle a confié le résultat de ses recherches à 125 personnalités pour raconter qui étaient ces femmes. J’ai donc écrit l’un de ces portraits : l’idée n’étais pas de raconter comment elles étaient mortes mais qui elles étaient. J’étais très honorée qu’elle me demande de participer à son livre et terrifiée à l’idée de devoir écrire le portrait. J’ai beaucoup procrastiné avant de me lancer dans l’écriture qui a été très éprouvante.
Comment en êtes-vous venues à imaginer ensemble le sac Olympe ?
Sarah était encore en plein travail d’écriture sur son livre, notamment sur les pages pratiques (les numéros verts à contacter, etc), on prenait un café ensemble. Ce jour-là, elle était bouleversée car elle avait appelé tous les numéros verts possibles pour son travail d’enquête et d’écriture de son livre et elle avait attendu en moyenne 12 minutes pour qu’on lui réponde. Elle m’a expliqué que lorsque tu es une femme battue, la plupart du temps ton mari te surveille, tu ne peux rien faire. Ton seul moment de liberté, c’est le mercredi quand tu vas au square avec ton enfant. C’est le moment où les femmes victimes de violences peuvent emprunter le téléphone d’une amie pour appeler un numéro vert : mais le temps d’attente est extrêmement long !
On en était là de notre conversation, et on réfléchissait ensemble à ce que l’on pouvait faire ensemble. Sarah sait que chez Rive Droite Paris, l’engagement est au cœur de nos valeurs : on n’attend pas que le gouvernement promulgue de nouvelles lois, ou se forme, pour changer la donne. On s’engage pour des produits responsables respectueux de la planète et des hommes. Alors on réfléchissait à faire, par exemple, une vente au profit de son association 125 et après… Mais nous n’étions pas complètement satisfaites.
Et puis quand Sarah m’a raconté la façon dont elle avait fuit son foyer, en pleine nuit en pyjama avec sa fille sous le bras, l’idée du sac Olympe a commencé à germer. Et si on imaginait un sac pour fuir ? Le déclic de quitter un foyer violent peut arriver à n’importe quel moment (un regard de travers envers son enfant, un coup plus fort que les précédents…) : et quand on part, on laisse souvent tout derrière soi. On arrive au commissariat, on n’a même pas sa carte d’identité, son livret de famille…
Quelles sont les particularités du sac Olympe ? En quoi aide-t-il les femmes à fuir leur foyer violent ?
Ma terreur était de mettre des femmes en danger avec nos sacs. Alors on a beaucoup brainstormé avec Sarah et mes équipes de conception chez Rive Droite. En discutant, on s’est dit qu’il fallait imaginer un double fond pour cacher les affaires de première nécessité.
Quand tu prépares ton départ, un vrai cheminement mental se met en place.
La femme maltraitée n’a pas toujours accès à ses papiers : elle peut tenter, progressivement et à son rythme, de photocopier les papiers en question, au fur et à mesure, quand elle parvient discrètement à y avoir accès, et cacher ces photocopies dans le double fond du sac. Une fois que la liste des essentiels est prête, au moment où le déclic survient, elle prend le doudou de son enfant et elle fuit. Le reste, ça se rachète.
Le sac reprend le design de votre sac Célestins, dans des teintes sombres : l’important était de faire un sac qui passe inaperçu ?
On est donc parti de notre modèle best-seller Célestins dans des couleurs super sobres pour que ce sac traine à la maison et que le conjoint s’habitue à le voir. Il faut qu’il soit tout le temps là pour qu’au bout d’un moment, le mari violent n’y prête plus attention.
Il peut aussi se cacher facilement dans un endroit sûr et accessible : par exemple chez une personne de confiance, dans un coffre de voiture, ou dans une consigne à bagages de gare, accessible 24h/24 et 7j/7.
Que conseillez-vous aux femmes qui préparent leur fuite de glisser dans le double fond du sac ?
- Des photocopies ou des scans des papiers indispensables pour voyager, aller à l’école et entamer plus facilement des démarches administratives et liées à la garde.
- Permis de conduire, papiers du véhicule, assurances.
- De l’ARGENT LIQUIDE (pour ne pas avoir à utiliser sa carte bleue, facilement traçable les premiers temps).
- Une tenue de rechange pour la femme et ses enfants, nécessaire d’hygiène, couches, biberons, lait… Bref : de quoi nourrir les enfants et qu’ils retrouvent leurs objets familiers durant au moins 3 jours.
- Une photo ou un objet qui donnent de la force.
Toutes ces informations sont accessibles sur notre site ou via le QR code que l’on a imprimé sur l’étiquette à l’intérieur du sac, avec en plus des conseils pour les femmes et tous les numéros verts pour trouver du soutien. Si le mari regarde l’historique de navigation de sa femme, il ne voit qu’un site classique e-commerce qui vend des sacs upcyclés !
Le sac Olympe est disponible sur le site (85€) : envisagez-vous d’autres points de vente ?
Aujourd’hui, il est vendu sur notre site et 100% des bénéfices des ventes sont reversés à l’Association 125 Et Après.
On réfléchit à le mettre à disposition dans d’autres endroits où le conjoint ne peut pas aller. Si la femme travaille, cela peut être dans son entreprise. On a donc pensé aux services RH et aux comités d’entreprise. On essaie également de le déployer dans un réseau de pédiatre, de salle de yoga…
Pourquoi avoir appelé ce sac Olympe ?
C’est en hommage à Olympe de Gouges, montée sur l’échafaud pour avoir milité pour les droits de la Femme et de la citoyenne.