Seul.e.s 20% des artistes programmé.e.s dans les événements culturels français sont des femmes. Face à ce constat, Céline Bagot, ancienne responsable de la communication du Festival d’Angoulême, décide de créer à Reims le Pop Women Festival : un événement annuel dédié à la célébration de la créativité féminine au sein de la pop culture dont la première édition a vu le jour en 2022. Pour sa quatrième édition, le Pop Women Festival reprend du service les 6, 7 et 8 mars 2025 pour le plus grand plaisir des Rémois.es ! Au programme ? Tables rondes, dédicaces, projections de films et docu, expo, lectures musicales… En compagnie d’artistes qui déchirent : Pénélope Bagieu, Ovidie, Flore Benguigui, Chloé Thibaud, Lio, Lucile Quillet, Catel, Blanche Sabbah, Rokhaya Diallo… Une joyeuse bande de badass réunie grâce à Céline qui nous raconte les coulisses du festoche.
Céline Bagot, vous êtes à l’origine du Pop Women Festival qui célèbre la créativité féminine. Pourquoi avoir choisi de mettre en lumière la pop culture en particulier ?
J’ai travaillé pendant plus que 15 ans au Festival d’Angoulême et j’avais très envie de parler de créativité féminine et du manque d’égalité hommes-femmes dans l’art et la culture : seul.e.s 20% des artistes programmé.e.s dans les événements culturels français sont des femmes.
Assez vite je me suis dirigée vers la pop culture : je suis une enfant du Club Dorothée, j’ai été bercée aux dessins animés et la pop culture est ce qui me parle le plus. J’ai eu envie, avec le Pop Women Festival, de parler de façon différente, positive, joyeuse et sérieuse de l’égalité hommes-femmes et surtout d’être au croisement de disciplines artistiques. L’égalité progresse du côté de la BD, moins que dans le cinéma et côté musique, ça ne progresse pas tant que cela : on compte seulement 14% de femmes programmées dans les festivals l’été.
Céline Bagot, fondatrice du Pop Women Festival
Le POP WOMEN FESTIVAL programme 80 % de femmes et 20 % d’hommes. Pourquoi ne pas viser la parité ?
C’est un pied de nez à la statistique réelle qui ne compte que 20% d’artistes femmes programmées dans les événements culturels français !
Je serai ravie de programmer 50% d’hommes quand le monde sera plus égalitaire. En attendant, je préfère inverser la tendance avec 80% de femmes intervenantes dans le festival.
Céline Bagot
Un Festival féministe à Reims : c’est une nouveauté. As-tu reçu le soutien de la ville et des acteurs locaux ?
En premier lieu, j’ai été aidée par le Ministère de la culture et le Secrétariat à l’égalité hommes-femmes. La ville de Reims m’a soutenue dans un second temps, lorsque la première édition de 2022 sur un format d’une soirée a rassemblé beaucoup de monde ! Il y avait une vraie envie et une vraie appétence pour ce type de rendez-vous à Reims.
Comment sélectionnes-tu les personnalités qui interviennent lors du Festival ?
C’est un travail sur le long terme : tout au long de l’année je m’interroge sur les thématiques qui peuvent trouver leur place au Festival, je suis beaucoup mes envies, mon instinct.
Par exemple, il va y avoir une table ronde « Lolita ou le concept de l’allumeuse » car j’avais vu passer en mai dernier un ouvrage intitulé « Allumeuse – Genèse d’un mythe » de Christine van Geen parues aux éditions Seuil. L’autrice développait l’idée que la notion d’allumeuse, en apparence moins violente que les insultes « pute » ou « salope », est en réalité à la fois cause et justification des violences sexistes. Personnellement, je suis de la génération des jeunes filles qui ont écouté le titre « Lolita » d’Alizée, sans en comprendre le sens caché, beaucoup on vu le film « Lolita » qui ne respecte pas l’esprit du livre de Vladimir Nabokov dont il est tiré. J’ai donc invité Christine van Geen ainsi que Louise Chenevière et Sixtine Dano pour discuter de cette figure de la jeune allumeuse.
Jusqu’à présent, je choisissais seule les intervenant.es du Festival et cette année, pour la première fois, j’ai demandé à quelques personnes dont des libraires et professionnels avec qui je travaille, de m’aider à sélectionner des profils. J’ai créé un petit comité de réflexion pour le festival et on s’invite à parler des livres qu’on a lus.
Il y a 20% d’hommes dans la programmation : acceptent-ils facilement ton invitation ?
Je sélectionne des hommes qui peuvent parler de féminisme et d’égalité hommes/femmes. Je suis persuadée qu’il y a une majorité silencieuse d’homme qui pense que l’égalité est un sujet important, mais très souvent ils ne se sentent pas légitimes pour venir en parler dans un festival féministe. Je vais donc me rapprocher d’hommes qui sont à l’aise avec ces questions et je suis heureuse d’accueillir pour la seconde fois Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain qui étaient déjà venus à une précédente édition pour la sortie de leur livre « Les Contraceptés ». Cette année, ils présenteront leur nouvelle BD : « L’arnaque des nouveaux pères – Enquête sur une révolution manquée ».
Céline Bagot, vous avez développé un label Pop Women Festival : un petit sticker qu’on a repéré sur la BD « Sibylline, chroniques d’une escort girl » par exemple, paru aux éditions Glénat…
J’ai créé le label Pop Women Festival pour multiplier les actions et qu’on ne parle pas des droits des femmes qu’en mars !
Céline Bagot, fondatrice du pop women festival
Avec ce label, je propose à des éditeurs de mettre des stickers « Sélection Pop Women Festival » sur des livres de leur collection ou plus généralement sur des produits culturels qui sont en adéquation avec l’ADN du Festival.
Je ne veux pas remettre de prix au Pop Women Festival car je ne veux pas mettre les femmes en concurrence.
Céline Bagot, fondatrice du pop women festival
Comment profiter au mieux des trois jours de Festival en tant que festivalière ?
Le programme du jeudi a surtout été pensé pour accueillir un public scolaire. Le vendredi et samedi présentent la plus grosse programmation : il est techniquement impossible d’assister à tout ! Je conseille de regarder le programme heure par heure et de se laisser guider au fil de ses envies le jour J. En revanche il faut savoir que la lecture musicale de Pénélope Bagieu et Ovidie est sold out, ainsi que la rencontre croisée entre Chloé Thibaud et Lio. Regarder en amont la programmation permet aussi de réserver sa place pour les événements à fort affluence ! Je m’arrange pour que le coût de la billetterie soit le plus bas possible et accessible au plus grand nombre, aujourd’hui je suis seule à travailler à temps plein sur le festival et je ne peux pas me rémunérer. Je manque de sponsors privés !
Te souviens-tu de moments qui t’ont profondément marqués lors des dernières éditions ?
On ne voit rien quand on organise! Je réécoute souvent les tables rondes après le festival. Parfois je les mets en ligne avec l’accord des artistes. Je me souviens d’une table ronde sur l’inceste avec Mai Lan Chapiron et Sandra Nkake. Une jeune fille avait pris la parole au moment des questions/réponses et tout le monde avait été pris d’émotion. Moi-même en écoutant l’échange a posteriori, j’ai eu envie de pleurer : des gens ont besoin de ces moments-là, d’écouter des artistes, de ressentir. Dans ces moments-là, je me dis que ça vaut le coup d’être sur cette Terre pour ressentir des moments comme ceux-là.
Je me souviens aussi d’un concert dessiné donné par Clou et Louison : elles m’avaient fait la surprise de faire la reprise de ma chanson préférée d’Ophélie Winter (Shame on You) : un moment très émouvant pour moi.
On sent un vrai sens de l’accueil au Pop Women Festival…
C’est vraiment ce que je recherche : recevoir les gens de la meilleure manière possible, les artistes tout comme les festivalières et festivaliers. J’aime l’idée que l’on puisse prendre un train pour Reims et se rendre au festival où l’on va être entièrement dédié à ce qu’on va faire : échanger, partager, transmettre. C’est comme aller au mariage d’amis, loin de chez nous, toute notre énergie est concentrée sur ce moment-là. On se retrouve dans une sorte de bulle et cela crée des moments magiques.
Rendez-vous au Pop Women Festival avec céline bagot les 6,7 et 8 mars 2025 à Reims.
Découvrez la programmation complète heure par heure et on a repéré des rendez-vous de ouf :
- Une exposition de l’oeuvre de Liv Strömquist
- Une table ronde avec Lio et Chloé Thibaud, autour de son essai « Désirer la violence, ce que la pop culture nous apprend à aimer »
- Une lecture musicale « La chaire est triste hélas » avec Pénélope Bagieu et Ovidie
- Une rencontre avec Flore Benguigui, artiste et ex-chanteuse de l’Impératrice
- Une séance dédicace avec Tiffany Cooper et lucile Quillet
- Une conférence sur la Rom com avec notamment Camille Emmanuelle
- … bref, vous allez forcément y trouver votre bonheur
Le Prescripteur papier au Festival !
Céline Bagot, lectrices du Prescripteur, aura quelques magazines « Sororité » à distribuer le temps du Festival… Je suis très heureuse que le Pop Women Festival fasse honneur à l’engagement du Prescripteur ! Merci Céline pour ta confiance et… Bonne lecture à toutes !
